Après avoir été auditionnée, La Dent Bleue a transmis par écrit à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ses commentaires sur sa proposition de loi visant à mieux encadrer les centres de santé. Huit de nos préconisations ont été suivies dans la dernière mouture: de quoi se réjouir. A moitié.
Montpellier, le 29 novembre 2022.
L’audition de notre association s’est déroulée le 15 novembre 2022, à la suite de laquelle nous avions transmis le 18 novembre dernier nos “Commentaires et recommandations sur la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (n° 361)“. Depuis, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a déposé un texte révisé, tenant compte de plusieurs de nos préconisations, ce dont nous nous félicitons.
Dans le même temps, force est de constater que plusieurs de nos revendications n’ont pas été entendues et que cette proposition de loi reste à nos yeux imparfaite dans sa volonté de mieux encadrer les centres de santé dentaire. Raison pour laquelle nous avons décidé d’élaborer un texte de réponse, que nous avons transmis aux autorités et que vous trouverez reproduit ci-dessous.
Bonne lecture.
Solidairement,
Abdel Aouacheria, pour La Dent Bleue
La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com
Madame la Députée,
Vous avez récemment consulté La Dent Bleue, seule association française de représentation des usagers des soins dentaires, au sujet d’une proposition de loi (PPL) visant à encadrer les centres de santé dentaire. Nous avons grandement apprécié votre démarche, l’opportunité donnée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale de nous auditionner et vous avons transmis en retour un document de onze pages intitulé « Commentaires et recommandations sur la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (n° 361) » (voir notre précédente lettre datée du 17 novembre 2022). Depuis, nous avons pris connaissance du texte de votre PPL tel qu’enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022. Nous nous réjouissons du fait qu’un nombre significatif de nos commentaires et préconisations (listées pour rappel à la fin du présent document) se retrouve au sein de cette nouvelle mouture. C’est la preuve que des représentants d’usagers peuvent avoir voix au chapitre dans l’élaboration des politiques de santé, dans un esprit de dialogue, de concertation et plus largement de démocratie sanitaire. Nous avons toutefois jugé utile de nous pencher sur la version la plus récente de la PPL et souhaiterions vous faire part à nouveau de nos commentaires (page 9 et suivantes), que ces derniers soient positifs (en surlignage vert) ou plus nuancés (en orange). Ces éléments, qui illustrent notre volonté commune d’améliorer le système de santé dentaire, pourront faire l’objet d’échanges ultérieurs auxquels notre association sera heureuse d’apporter son concours.
Soyez assurée, Madame la Députée, de nos sentiments les plus respectueux et les plus déterminés,
Abdel Aouacheria
Pour La Dent Bleue et le Collectif contre Dentexia
Montpellier, le 25 novembre 2022.
N° 514
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022.
TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES SOCIALES
ANNEXE AU RAPPORT
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer l’encadrement des centres de santé.
(Première lecture)
Voir le numéro : 361. – 3 –
L’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
« II. – Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité dentaire sont soumis, pour leurs seules activités dentaires, à un agrément du directeur général de l’agence régionale de santé qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concernée.
« Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité ophtalmologique sont soumis, pour leurs seules activités ophtalmologiques, à l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concernée.
« III. – Pour l’obtention de l’agrément mentionné au II, le représentant légal de l’organisme gestionnaire adresse au directeur général de l’agence régionale de santé un dossier dont le contenu est défini par décret. Il comprend obligatoirement le projet de santé, les déclarations des liens et conflits d’intérêts de l’ensemble des membres de l’instance dirigeante et les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces, le cas échéant.
« L’agrément délivré par le directeur général de l’agence régionale de santé est provisoire. Il ne devient définitif qu’à l’expiration d’une durée de douze mois après l’ouverture du centre, sous réserve des résultats d’une visite de conformité qui peut être organisée par l’agence pendant cette période.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé peut refuser de délivrer l’agrément demandé s’il considère que la qualité ou le contenu des pièces fournies est insuffisant, si le projet de santé du centre ne remplit pas les objectifs de conformité mentionnés au I, ou s’il n’est pas compatible avec les objectifs et besoins définis dans le cadre du projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-2. L’agrément est également refusé lorsque la visite mentionnée à l’alinéa précédent révèle des non-conformités ou une incompatibilité de la gestion et de l’offre de soins du centre avec le projet régional de santé.
« IV. – La délivrance de l’agrément définitif mentionné au II et le maintien de cet agrément sont conditionnés à la transmission sans délai au directeur général de l’agence régionale de santé et au conseil départemental de l’ordre de la profession concernée de la copie des diplômes et contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes à chaque nouvelle embauche, ainsi que de tout avenant au contrat de travail de l’un de ces professionnels, et d’une mise à jour de l’organigramme du centre de santé pour toute embauche ou rupture du contrat de travail de l’un de ces professionnels, selon des modalités définies par décret. Le conseil départemental de l’ordre rend un avis motivé au directeur général de l’agence régionale de santé sur les contrats de travail qui lui sont transmis dans un délai de deux mois. »
III. – Au début du dernier alinéa, est insérée la référence : « V. – ».
Après l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6323-1-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-1-3-1. – Un dirigeant de centre de santé ne peut exercer de fonction dirigeante au sein de la structure gestionnaire lorsque celui-ci a un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire. »
Article 1er ter (nouveau)
Le I de l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de fermeture d’un centre de santé ou de l’une de ses antennes, le représentant légal de l’organisme gestionnaire est tenu d’en informer dans les sept jours le directeur général de l’agence régionale de santé, le directeur de la caisse locale d’assurance maladie et le président du conseil départemental de l’ordre compétent. »
Article 1er quater (nouveau)
Les centres de santé autorisés à dispenser des soins avant l’entrée en vigueur de la présente loi doivent effectuer une demande d’agrément auprès du directeur général de l’agence régionale de santé pour leurs seules activités dentaires et ophtalmologiques. À cette fin, le dépôt du dossier mentionné à l’article premier doit être effectué dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi. L’examen du dossier de demande d’agrément est effectué dans les conditions prévues au III du même article.
À l’expiration d’un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, aucun centre de santé n’est autorisé à dispenser des soins dentaires ou ophtalmologiques s’il ne dispose pas d’un agrément pour ces activités.
L’article L. 6323-1-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
« II. – Dans les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, pour ces seules activités, et dès lors que le centre emploie plus d’un professionnel médical à ce titre, un comité médical ou un comité dentaire est constitué. Il rassemble l’ensemble des professionnels médicaux exerçant dans le centre au titre de ces activités, à l’exclusion du représentant légal de l’organisme gestionnaire. Il est responsable de la politique d’amélioration continue de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins, ainsi que de la formation continue des professionnels de santé exerçant dans le centre au titre de ces activités. Des représentants des usagers sont invités à siéger au sein de ce comité. Il se réunit au moins une fois par trimestre. Ses réunions font l’objet d’un compte rendu qui est transmis sans délai au gestionnaire du centre de santé et au directeur général de l’agence régionale de santé. Il désigne un président parmi ses membres, qui assure cette fonction pour une durée d’un an reconductible. Les missions et modalités de fonctionnement du comité médical et du comité dentaire sont précisées par décret, ainsi que le seuil.
« III. – Le gestionnaire d’un centre de santé est tenu d’afficher de manière visible, au sein des locaux de ce centre et de ses antennes, ainsi que sur son site internet et sur les plateformes de communication numériques utilisées pour ce centre, l’identité de l’ensemble des médecins et chirurgiens-dentistes qui y exercent, y compris à temps partiel ou pour des activités de remplacement. Le gestionnaire de santé doit s’assurer de l’indication dans le règlement intérieur de l’établissement le port d’un badge nominatif indiquant la fonction du professionnel de santé. »
Après l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-34-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-34-1. – Les professionnels de santé salariés d’un centre de santé mentionné à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique sont identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure où ils exercent, au moins en partie, leur activité.
« Le décret prévu au premier alinéa de l’article L. 161-33 du présent code précise les cas dans lesquels ce numéro personnel ainsi que le numéro identifiant la structure au sein de laquelle l’acte, la consultation ou la prescription a été réalisé figurent sur les documents transmis aux caisses d’assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens. »
(Supprimé)
L’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est complété par des III à V ainsi rédigés :
« III. – Les décisions de suspension et de fermeture prises par le directeur général de l’agence régionale de santé au titre du II sont communiquées sans délai à la Caisse nationale de l’assurance maladie, au conseil départemental de l’ordre des médecins et au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes, en fonction des activités exercées au sein du centre concerné par les décisions.
« IV. – À la suite de la suspension, totale ou partielle, de l’activité ou de la fermeture du centre ou, lorsqu’elles existent, de ses antennes, le directeur général de l’agence régionale de santé peut refuser de délivrer le récépissé de l’engagement de conformité ou l’agrément relatif à l’ouverture d’un nouveau centre de santé ou d’une antenne lorsque ce récépissé ou cet agrément est demandé par le même organisme gestionnaire, par le même représentant légal ou par un membre de son instance dirigeante jusqu’à la levée de cette suspension ou pour une durée maximale de huit ans dans le cas d’une fermeture définitive.
« V. – Un répertoire national est mis en place afin de recenser les mesures de suspension et de fermeture de centres de santé décidées au titre du présent article. Les informations contenues dans ce répertoire et les modalités de mise en oeuvre sont précisées par décret. Il est mis à la disposition de l’ensemble des services de l’État et de l’assurance maladie. »
L’article L. 6323-1-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les comptes du gestionnaire certifiés par un commissaire aux comptes sont transmis annuellement au directeur général de l’agence régionale de santé. »
L’article L. 6323-1-13 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’absence de transmission des informations demandées au titre du présent article donne lieu aux sanctions prévues au I de l’article L. 6323-1-12. »
L’article L. 6323-1-7 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils ne peuvent demander le paiement anticipé intégral de soins qui n’ont pas encore été dispensés. »
Le I de l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « Lorsqu’un manquement à l’engagement de conformité » sont remplacés par les mots : « Lorsque l’un des manquements mentionnés au premier alinéa » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine un barème pour l’application de l’amende administrative et de l’astreinte journalière mentionnées au troisième alinéa en fonction de la gravité des manquements constatés. »
Le troisième alinéa du I de l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de la deuxième phrase, le montant : « 150 000 » est remplacé par le montant : « 300 000 » ;
2° À la fin de la dernière phrase, le montant : « 1 000 » est remplacé par le montant : « 2 000 ».
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens à allouer aux agences régionales de santé afin de leur permettre de réaliser les opérations prévues par la présente loi.
Avec la restauration de l’agrément préalable, les centres dentaires les moins scrupuleux se verront entravés dans leurs ouvertures, mais les centres de santé accrédités pourront-ils faire l’objet de contrôles réguliers après la période probatoire de 12 mois ? Une fois ouvert, un centre de santé peut très bien ne pas respecter les textes réglementaires dans la durée. On rappellera ici que le nombre ridiculement bas de dentistes-conseils et d’inspecteurs dépêchés par les ARS sur des tâches de contrôle ne peut pas permettre de détecter efficacement les centres déviants. Comme précédemment indiqué (préconisation 17), il est crucial d’augmenter significativement les moyens alloués aux ARS et éventuellement aux Conseils ordinaux pour leur permettre d’affecter du personnel à la surveillance des centres de santé dentaire. L’Article 10 (nouveau) propose bien qu’un rapport soit remis au gouvernement dans un délai de six mois après la promulgation de la loi afin de faire le point sur les moyens à allouer aux ARS pour leur permettre de « réaliser les opérations prévues par la présente loi ». Toutefois, cette décorrélation entre les ambitions de la proposition de loi et les moyens effectifs nécessaires à sa réalisation nous inquiète. Il aurait été préférable qu’une réflexion approfondie sur les ressources précède les propositions de changements législatifs, afin de rendre réaliste et tangible l’actualisation de ces derniers et éviter tout procès de « wishful thinking ». En tout état de cause, nous attendons avec impatience les conclusions dudit rapport et serions heureux de pouvoir en consulter une version préliminaire.
Nous regrettons toutefois qu’ait été écartée notre suggestion (préconisation 1) de faire en sorte que les centres de santé dentaire soient uniquement fondés et administrés par des professionnels de santé diplômés et inscrits à l’Ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes (et non pas exclusivement par des professionnels issus d’autres secteurs comme la finance, le commerce, le droit…). Une telle mesure permettrait d’introduire un garde-fou non-négligeable contre les risques de dévoiement de Loi Bachelot et de marchandisation de la santé.
Nous proposons que ces innovations législatives soient prolongées par un droit de regard explicite sur les relations entre fournisseurs, prestataires et centre de santé associatif de manière à pouvoir éventuellement appliquer les outils législatifs de lutte contre la corruption (« loi anti-cadeau ») (préconisation 6).
Nous déplorons néanmoins que la mesure ne s’applique pas à l’ensemble de l’équipe soignante (préconisation 12). En effet, il nous semble essentiel de s’assurer que l’ensemble de l’équipe soignante (ex : les assistant.e.s dentaires), et non pas seulement les dentistes, possède une qualification médicale reconnue (par des diplômes et certificats de compétences). Des témoignages récents étayent le fait que du personnel sans formation dédiée accomplit dans certains centres des actes (ex : radio panoramique) susceptibles d’influencer le diagnostic du praticien ou la préparation bucco-dentaire du patient.
En outre, les conséquences d’un avis défavorable émis par l’Ordre ne sont pas indiquées : l’avis est-il seulement consultatif ou un avis négatif sera-t-il rédhibitoire pour l’embauche et l’activité du dentiste concerné ?
Par ailleurs, nous attendons toujours (préconisation 10) que soient clarifiées les règles d’exercice du dentiste salarié en centre de santé dentaire associatif, avec obligation de contracter une assurance RCP (Responsabilité Civile Professionnelle) souscrite de manière individuelle par le praticien. Il s’agit d’éviter que le personnel soignant salarié puisse se retrancher derrière la personne morale associative, pour l’instant non sanctionnable par l’Ordre des chirurgiens-dentistes (préconisation 23). Notre suggestion (préconisation 11) n’a pas non plus été retenue de contrôler le contrat d’assurance souscrit par le gestionnaire pour le centre de santé associatif, avec en particulier la recherche d’éventuelles clauses d’exclusion (de « non-garantie ») augmentant le niveau de risque pour la patientèle et oblitérant la prise en charge éventuelle de la sinistralité.
Comme nous l’avons proposé (préconisation 2), on peut envisager d’adresser l’ensemble de ces points grâce à un « remède » unique, à large spectre, consistant à exiger l’inscription des centres de santé dentaire et de leurs équipes médicales auprès des Ordres professionnels dont dépend leur activité, en l’occurrence l’Ordre des chirurgiens-dentistes, de manière à soumettre de facto les centres dentaires concernés aux règles déontologiques de la profession.
Côté patientèle, aucune de nos recommandations générales (préconisation 24) n’a été inscrite dans la proposition de loi en vue de favoriser les droits du patient à l’information, aux plans prophylactique (règles d’hygiène), thérapeutique (conformité des devis, consentement éclairé après compréhension du plan de traitement), économique (information sur les prix, conditions d’encaissement du montant des soins), matériel (ex : traçabilité des implants et prothèses), structurel (ex : règles de stérilisation) et en cas de litige (affichage dans les salles d’attente des voies de recours en cas de non satisfaction ou de soins problématiques). Notre demande (préconisation 28) n’a pas non plus été prise en compte de revoir le périmètre du principe de confraternité et les conditions de réalisation des expertises médico-judiciaires ou amiables, pour éviter qu’elles ne tournent systématiquement en défaveur du patient.
Cependant, pour être efficace et cohérente, la série de mesures devrait de manière concomitante s’attacher à promouvoir la réalisation d’enquêtes portant sur l’équipe de gestion et l’arborescence proximale formée par la ou les sociétés commerciales (et leurs actionnaires) avec laquelle ou lesquelles l’association à but non-lucratif avait contractualisé. Ceci dans le but de détecter l’existence de montages juridiques nébuleux et la présence éventuelle de sociétés gigognes ou d’acteurs douteux appartenant au monde du capital-investissement.
Par ailleurs, de manière fort regrettable, on ne voit pas, ni dans l’ordonnance de 2018, ni dans ce projet, l’obligation pour l’ARS d’organiser la poursuite des soins des patients en cours de traitement au moment où est prononcée la fermeture d’un centre de santé dentaire (préconisation 25). Or, cet aspect impacte directement la patientèle du dentaire qui présente la particularité de ne pas pouvoir être laissée « au milieu du gué » après avoir débuté un parcours de soins. Notre demande (préconisation 26) n’a pas non plus été retenue d’élaborer une procédure pour recenser et gérer les refus de soins (notamment par ostracisation de la patientèle passée par les centres « low-cost » non par choix mais par manque de moyens).
Parce que notre association défend la centralité du patient dans le système de soins, nous demandons à ce que le sort réservé à la patientèle soit clarifié en cas de fermeture du centre dentaire, que celle-ci soit provisoire ou définitive.
Cette clarification est d’autant plus nécessaire que le texte modifié s’est assorti de plusieurs modifications et précisions (Article 8 ; Article 9) relatives aux sanctions imputables aux structures et acteurs fautifs, sans bénéfice proportionnel (ou a minima perceptible) pour la patientèle.
Enfin, notre proposition (préconisation 7) de clarifier, de manière dissuasive et dès la création du centre de santé associatif, la responsabilité pénale des gérants ainsi que de leurs associés et de leurs employés, n’a pour l’instant pas trouvé d’écho dans le texte de loi, ce que nous déplorons vivement. Cette proposition en était doublée d’une autre (préconisation 23), tout aussi dissuasive, visant à rendre les dentistes coresponsables des manquements et des fautes imputables à leur employeur lorsque la preuve d’un compérage est apportée.
Nous déplorons cependant la suppression dans le texte de la proposition de loi de la nécessité pour chaque centre de nommer un chirurgien-dentiste référent responsable (nominativement) de la qualité et de la sécurité des soins, sensé rendre des comptes auprès de l’ARS en cas de suspicion d’atteinte à la santé des patients et à la santé publique. Il était attendu de cette disposition qu’elle permette d’éviter, de manière générale, que les gestionnaires gardent les pleins pouvoirs et, en particulier, que les plus cupides d’entre eux se sentent les mains libres d’instaurer le pilotage par tableau de bord de l’activité en fixant des objectifs de rentabilité contraires à la déontologie médicale. Bien que nous eussions émis des réserves sur l’applicabilité et le périmètre de cette mesure, notre association l’avait qualifiée « d’avancée » et ne comprend pas qu’elle ait été éliminée du texte de la sorte. La présence d’un comité dentaire aux prérogatives pour l’instant floues et aux responsabilités diluées ne peut se substituer à la présence d’un dentiste-référent responsable nominativement et sensé rendre des comptes à l’ARS.
Nous regrettons par ailleurs que les dispositions actuelles de l’article ne concernent que le volet purement médical de l’activité du centre, à l’exclusion du volet financier. Or, on sait très bien aujourd’hui que l’augmentation du risque encouru par la patientèle du dentaire est en grande partie le produit de dérives financières et de manquements dans la gestion des centres dentaires. Nous insistons donc sur l’importance d’inscrire dans la loi le bannissement du pilotage par tableau de bord (implémentation de métriques commerciales et d’indicateurs de performance) et le fait d’affranchir l’activité du dentiste-salarié de tout objectif de rentabilité (préconisation 18). Dans la même veine, notre demande (préconisation 19) que le salariat des dentistes fasse l’objet d’une rémunération fixe, non-modulable en fonction du nombre ou de la nature des actes réalisés, n’a pas été suivie, ce que nous regrettons.
La présence d’experts-comptables ou de commissaires aux comptes permettrait par ailleurs d’alerter plus facilement et plus rapidement en cas de pratiques non-vertueuses ou illicites (détection des signaux faibles), tout en instaurant un climat propice au suivi d’une éthique financière et bancaire rigoureuse (préconisation 14). De la même façon, cette disposition est pour l’instant absente du texte de loi.
Notre suggestion (préconisation 13) n’a pas non plus été retenue de limiter le nombre de centres appartenant à une même enseigne, alors même qu’une telle mesure permettrait de contenir les volumes de patients potentiellement impactés par des dysfonctionnements, tout en évitant les transferts de trésorerie et la « transhumance » de patientèle avec les problèmes associés (ex : perte ou difficultés d’accès aux dossiers médicaux, voir notre préconisation 27).
La proposition de loi fait l’impasse sur la nature des soins prodigués dans les centres, alors même que la tentation existe pour les centres dentaires associatifs de détourner les finalités de la réglementation (détournement du statut d’associations à but non lucratif) en se positionnant sur une offre de soins essentiellement lucrative (activités prothétiques et d’implantologie hors nomenclature). Nous regrettons que notre proposition ait été écartée de contraindre tout centre dentaire associatif tirant un bénéfice substantiel des activités prothétiques et d’implantologie à pratiquer dans une certaine proportion (à déterminer) des actes de soins conservatoires et de prévention (y compris à destination des enfants), sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la fermeture (voir nos préconisations 20 et 21). Nous proposons qu’une réflexion soit rapidement conduite pour faire en sorte que l’implantologie (et les traitements globaux implants + prothèse) ne soient plus un angle mort de la politique de santé publique (préconisation 30).
Nous attendons toujours une régulation de la communication commerciale (la « publicité », notamment l’interdiction d’apposer sur les vitrines des centres dentaires les mentions “patients C.S.S. acceptés” ou “100 % Santé”) (préconisation 22).
Nos recommandations, listées ci-dessous, s’organisent selon la logique suivante : avant la création du centre de santé associatif, pendant son activité, après la fermeture de ses portes (par décision administrative ou en dehors des heures d’ouverture).
L’association La Dent Bleue a été sollicitée par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale pour s’exprimer sur une proposition de loi visant à mieux encadrer les centres de santé.
Montpellier, le 23 novembre 2022.
L’audition de notre association s’est déroulée le 15 novembre 2022, à la suite de laquelle nous avons transmis nos “Commentaires et recommandations sur la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (n° 361)“. L’intégralité du texte transmis est reproduit ci-dessous à l’identique.
Nous estimons que les autorités disposent aujourd’hui d’un socle robuste à partir duquel repenser la législation sur les centres de santé dentaire.
Bonne lecture.
Solidairement,
Abdel Aouacheria, pour La Dent Bleue
La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com
Madame la Députée,
La Dent Bleue est aujourd’hui la seule association de représentation des usagers des soins dentaires créée par et pour la patientèle du secteur. Née du regroupement des victimes des scandales que vous connaissez pour en avoir été témoin (Dentexia, Proxidentaire…), l’association a évolué vers la représentation de l’ensemble des usagers des établissements de santé dentaire, quels que soient leur statut juridique et leur mode d’exercice de la dentisterie.
Vous avez souhaité nous consulter au sujet d’une proposition de loi visant à encadrer les centres de santé dentaire, ce dont nous nous réjouissons et vous remercions vivement. Bien que régulièrement sollicitée par les médias, la voix de notre association (qui se veut être celle des patient.e.s et victimes du secteur dentaire) n’est que trop rarement entendue et prise en compte par les autorités publiques et tutelles de santé. Il nous paraît toutefois important d’attirer votre attention sur le fait que la patientèle du dentaire a non seulement démontré sa capacité à s’autoorganiser (à l’occasion des scandales susmentionnés), mais qu’elle est en outre en mesure de s’approprier les problématiques qui la concernent. Loin de vouloir se substituer aux professionnels ou aux politiques, elle poursuit son chemin propre : sa trajectoire d’encapacitation. Les commentaires et les recommandations qui suivent sont donc le fruit de nos réflexions propres, qui ont pour seul objectif de servir les intérêts de la patientèle, en toute indépendance notamment vis-à-vis des corps professionnels. Certains des points que nous avons listés seront partagés par d’autres protagonistes, mais il nous semble important qu’une association d’usagers vous les présente. Nous espérons que d’autres points, non-redondants, sauront capter votre attention et que nous pourrons vous aider, à notre humble niveau, à embrasser un regard surplombant sur les dynamiques à l’œuvre dans le secteur dentaire (et au-delà).
Les scandales Dentexia et Proxidentaire forment en effet une hyperbole, l’empreinte d’une manière « d’habiter » le secteur dentaire, où certains individus peu scrupuleux peuvent faire du profit en détournant la loi et en exploitant des patients passés à l’heure d’une médecine à plusieurs vitesses. Dès lors, la problématique du dentaire pose une question de monde : Quel secteur dentaire voulons-nous pour nous-mêmes et les générations à venir ? Comment faire pour que les soins ne soient pas assimilés à des « biens de consommation » ? Comment faire pour que les patients ne deviennent pas des clients « consommateurs de soins » et ne soient pas non plus considérés comme des choses, c’est-à-dire des objets plutôt que des sujets de soins ? Comment éviter la survenue d’autres scandales de masse ? Ces questions forment le socle de notre interprétation collective de l’horizon législatif, étant entendu que tous les centres de santé associatifs ne sont pas défaillants et que nombre d’entre eux s’avèrent utiles pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins.
Toutefois, comme vous le savez, l’esprit de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », (HPST) dite loi Bachelot, adoptée en 2009, a été dévoyé. Ce texte visait à donner accès à des soins de meilleure qualité aux plus démunis et à favoriser l’implantation de centres de santé dans les déserts médicaux. Or, en l’absence de garde-fous suffisants, cette loi a instauré un climat propice à la marchandisation de la médecine dentaire et aux dérives de toutes natures. En conséquence, l’écosystème des centres de santé associatifs s’est rapidement mué en une énorme étendue où poussent aujourd’hui bon grain et ivraie. Il est donc nécessaire de revoir la loi, faute de quoi les mêmes causes engendreront les mêmes conséquences, à savoir de nouveaux scandales. A ce titre, les trente propositions de La Dent Bleue s’inscrivent résolument dans le sillage du rapport 2016-105R (publié en janvier 2017) de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les centres de santé dentaire, listant « des recommandations utiles visant à prévenir les dérives mises à jour, afin de garantir une offre de soins dentaires accessible et sûre. » Nous pensons qu’il est devenu urgent de suivre ces consignes et de les prolonger en conduisant de profonds changements législatifs et réglementaires. Tout en se gardant de nuire, par un excès de règlementation, au développement et au fonctionnement des centres de santé dentaire associatifs vertueux et/ou à vocation sociale (maisons de santé, nouvelles formes d’exercice pluridisciplinaire…).
Nous vous remercions vivement de nous avoir sollicités et restons bien entendu à votre disposition pour tout échange à venir.
Soyez assurée, Madame la Députée, de nos sentiments les plus respectueux et les plus déterminés,
Abdel Aouacheria
Vice-Président de La Dent Bleue
Fondateur du Collectif contre Dentexia
Montpellier, le 17 novembre 2022.
Après le deuxième alinéa de l’article L. 6323‑1‑11 du code de la santé publique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité dentaire sont soumis, pour leurs seules activités dentaires, à un agrément1 du directeur général de l’agence régionale de santé qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concernée.
« Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité ophtalmologique sont soumis, pour leurs seules activités ophtalmologiques, à l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concernée.
« Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité gynécologique sont soumis, pour leurs seules activités gynécologiques, à l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concernée. »
L’article L. 6323‑1‑5 du code de la santé publique est complété par des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Un chirurgien‑dentiste responsable2 de la qualité et de la sécurité des soins dentaires et des actes professionnels est nommé par le gestionnaire dès lors que le centre ou l’une de ses antennes assure une activité dentaire. Il bénéficie des règles d’indépendance professionnelle reconnues aux chirurgiens‑dentistes dans leur code de déontologie.
« Lorsque des décisions3 prises par le gestionnaire du centre de santé apparaissent au chirurgien‑dentiste responsable comme étant de nature à porter atteinte à la santé des patients et la santé publique, le chirurgien‑dentiste responsable en informe sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé qui prend alors les mesures appropriées.
« III. – Un médecin ophtalmologiste responsable de la qualité et de la sécurité des soins ophtalmologiques et des actes professionnels est nommé par le gestionnaire dès lors que le centre ou l’une de ses antennes assure une activité ophtalmologique. Il bénéficie des règles d’indépendance professionnelle reconnues aux médecins dans leur code de déontologie.
« Lorsque des décisions prises par le gestionnaire du centre de santé apparaissent au médecin ophtalmologiste responsable comme étant de nature à porter atteinte à la santé des patients et la santé publique, le médecin ophtalmologiste responsable en informe sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé qui prend alors les mesures appropriées. »
« IV. – Un médecin gynécologue responsable de la qualité et de la sécurité des soins gynécologiques et des actes professionnels est nommé par le gestionnaire dès lors que le centre ou l’une de ses antennes assure une activité gynécologique. Il bénéficie des règles d’indépendance professionnelle reconnues aux médecins dans leur code de déontologie.
« Lorsque des décisions prises par le gestionnaire du centre de santé apparaissent au médecin gynécologue responsable comme étant de nature à porter atteinte à la santé des patients et la santé publique, le médecin gynécologue responsable en informe sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé qui prend alors les mesures appropriées. »
Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 6323‑1‑10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le projet de santé comporte4 notamment la copie des diplômes et, le cas échéant, des contrats de travail des chirurgiens‑dentistes exerçant au sein du centre de santé ayant une activité dentaire, des contrats de travail des médecins ophtalmologistes exerçant au sein du centre ayant une activité ophtalmologique, des contrats de travail des médecins gynécologues exerçant au sein du centre ayant une activité gynécologique. » ;
2° L’article L. 6323‑1‑11 est ainsi modifié :
« a) Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général de l’agence régionale de santé transmet, pour les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité dentaire, la copie des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens‑dentistes exerçant au sein du centre au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens‑dentistes qui rend un avis motivé dans un délai de deux mois.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé transmet, pour les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité ophtalmologique, la copie des diplômes et des contrats de travail des médecins exerçant au sein du centre au conseil départemental de l’ordre des médecins qui rend un avis motivé dans un délai de deux mois. » ;
« Le directeur général de l’agence régionale de santé transmet, pour les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité gynécologique, la copie des diplômes et des contrats de travail des médecins exerçant au sein du centre au conseil départemental de l’ordre des médecins qui rend un avis motivé dans un délai de deux mois. »
« b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « cet engagement » sont remplacés par les mots : « l’engagement de conformité mentionné au premier alinéa. ».
L’article L. 6323‑1‑12 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la suite de la suspension, totale ou partielle, de l’activité ou de la fermeture5 du centre ou, lorsqu’elles existent, de ses antennes, le directeur général de l’agence régionale de santé peut refuser de délivrer le récépissé de l’engagement de conformité 6 relatif à l’ouverture d’un nouveau centre de santé ou d’une antenne lorsque ce récépissé est demandé par le même organisme gestionnaire ou par le même représentant légal jusqu’à la levée de cette suspension ou pour une durée maximale de cinq ans dans le cas d’une fermeture définitive. »
1 Depuis l’instauration de la loi Bachelot en 2009, une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur déposés auprès de l’Agence régionale de santé suffisent pour ouvrir un centre de santé dentaire associatif, autant dire des formalités purement bureaucratiques (voire bureautiques). Nous nous réjouissons du rétablissement de l’agrément préalable, qui vient placer un obstacle tangible sur la route des fondateurs les moins motivés par la médecine dentaire et permettra de détecter précocement les centres dentaires les plus à risque de fonctionner comme des sociétés commerciales déguisées. Nous nous demandons toutefois si l’agrément préalable s’accompagnera, comme c’était le cas auparavant, d’une visite de conformité et s’il est prévu que des visites analogues soient réalisées régulièrement (et inopinément) après l’ouverture du centre. En effet, le projet de santé et le règlement intérieur sont des pièces relativement faciles à rédiger et à produire. Des prestataires spécialisés dans le montage « clé en main » de centres dentaires associatifs, accessibles sur internet, proposent même de s’en charger pour des tarifs abordables. En outre, une fois ouvert (y compris dans des territoires déjà bien pourvus en offre de soins dentaires), le centre de santé peut très bien ne pas respecter les textes réglementaires. Avec la restauration de l’agrément préalable, les centres dentaires qui défrayent la chronique pour leurs pratiques (commerciales) douteuses seront certes entravés dans leurs ouvertures, mais quid des centres déjà ouverts et en activité ? Pour l’instant, le nombre ridiculement bas de dentistes-conseils et d’inspecteurs dépêchés par les ARS sur des tâches de contrôle ne peut pas permettre de détecter efficacement les centres déviants.
Selon nous, les formalités préalables doivent être complétées par : (i) une régulation des installations, pour s’assurer que ces dernières soient en phase avec l’esprit initial de la Loi Bachelot (Quel est le service rendu ? Pour quelle patientèle ? Sur quel territoire ? Améliore-t-on l’accès aux soins ? Pour rappel, les centres dentaires associatifs sont censés être des « structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours qui réalisent à titre principal des prestations remboursables par l’assurance maladie. ») ; (ii) des contrôles après ouverture (ce qui suppose d’augmenter significativement les moyens alloués aux ARS et éventuellement aux Conseils ordinaux pour leur permettre d’affecter du personnel à la surveillance des centres de santé dentaire).
2 La nécessité est établie de nommer dans chaque centre un chirurgien-dentiste référent responsable de la qualité et de la sécurité des soins, sensé rendre des comptes auprès de l’ARS en cas de suspicion d’atteinte à la santé des patients et à la santé publique. Il est attendu que cette disposition permette d’éviter, de manière générale, que les gestionnaires gardent les pleins pouvoirs et, en particulier, que les plus cupides d’entre eux se sentent les mains libres d’instaurer le pilotage par tableau de bord de l’activité en fixant des objectifs de rentabilité contraires à la déontologie médicale. Si notre association se félicite de cette avancée, nous tenons cependant à exprimer trois réserves importantes sur son applicabilité effective. La première réserve tient à l’indépendance du dentiste : si ce dernier est salarié du centre dentaire, il n’est pas évident que le lien de subordination le liant à son employeur lui laisse toute latitude pour dénoncer les mauvaises pratiques dont il pourrait être le témoin. Par qui seront rémunérés les dentistes-référents ? Comment faire en sorte que le chirurgien-dentiste référent ne se sente pas pieds et poings liés par les directives fixées par son employeur ? La deuxième réserve relève du principe de confraternité que les chirurgiens-dentistes doivent respecter entre eux. Il n’est pas évident qu’un chirurgien-dentiste référent accepte de dénoncer un confrère / une consœur, même en cas de manquement avéré, et encore moins qu’il/elle accepte d’endosser la moindre responsabilité à leur place. Dans ces conditions, nous doutons que le dentiste-référent puisse être tenu pour « responsable de la qualité et de la sécurité des soins dentaires et des actes professionnels ». La troisième réserve concerne le recrutement et la rémunération de ces dentistes-référents. Dans quel vivier seront recrutés ces dentistes responsables (ex : cabinets libéraux) ? Leur mission sera-t-elle à temps plein au sein du centre dentaire ou prendra-t-elle la forme d’engagements ponctuels ? Est-ce que ces dentistes-référents exerceront des actes en bouche ? Seront-ils impliqués dans du tutorat de dentistes moins expérimentés ? L’exercice de leur mission sera-t-il associé à un statut particulier ou à des primes ?
En conclusion, afin que la mesure soit efficace, les conditions de recrutement et le périmètre d’action du dentiste-référent doivent être clarifiées, et des garanties apportées sur son indépendance.
3 Nous comprenons que le terme de « décisions » est sensé subsumer ici un ensemble de choix et d’actes réalisés par l’équipe gestionnaire ou médicale du centre dentaire et à même d’augmenter le risque d’incidents et/ou d’accidents médicaux endurés par la patientèle. Ceci étant, ce terme est vague et peut être perçu comme un « signifiant flottant » : quels types de décisions sont réellement concernées ? Le pilotage par tableau de bord ? La commande et la pose d’implants ou de prothèses de qualité douteuse ? Du sous-effectif ? Des choix thérapeutiques contestables ? Une suspicion de fraude à l’assurance-maladie ? Nous énumérons ci-après (liste non-exhaustive) les pratiques non-vertueuses ou illicites observées ou suspectées au sein des centres de santé dentaire associatifs : (i) signature d’un nombre excessif d’ententes financières, ayant pour conséquence de retarder l’exécution des plans de traitement ; (ii) volume de patients démesuré par rapport aux capacités d’accueil du ou des centres, créant un risque d’abattage ; (iii) application déraisonnée de procédés industriels et techno-managériaux à la santé humaine ; (iv) présomption d’activité fautive vis-à-vis de l’assurance maladie ; (v) turn-over anormal du personnel soignant. Nous voyons bien que ces éléments sont de nature différente, certains ne relevant pas des prérogatives (médicales) du dentiste-référent, bien que pouvant impacter la dimension sanitaire de manière indirecte. Ces éléments sont liés entre eux, peuvent déployer leurs effets délétères dans une temporalité, certains se manifestant sous la forme de signaux faibles qu’il s’agira de détecter à temps (c’est-à-dire précocement).
Nous suggérons de compléter la phase comme suit : « comme étant de nature à porter atteinte [de manière directe ou indirecte, à court moyen ou long terme] à la santé des patients et la santé publique ».
4 L’obligation est faite au gestionnaire du centre de santé de transmettre à l’ARS, en plus du projet de santé, la copie des diplômes et contrats de travail des dentistes salariés, qui sont également collectés par les Conseils ordinaux de chirurgiens-dentistes qui émettent un avis. Cette mesure est intéressante car elle permettra de comparer les documents reçus par les deux structures (ARS et Ordre des chirurgiens-dentistes) en vue de détecter d’éventuelles anomalies. Nous trouvons cette disposition indispensable mais, en l’état, lacunaire. En effet, on sait que le turnover des praticiens est notoirement important dans les centres dentaires associatifs, ce qui signifie que la mesure doit s’appliquer en continu (« au fil de l’eau ») pour s’avérer efficace. Par ailleurs, plusieurs signalements nous sont parvenus indiquant que le numéro d’inscription à l’Ordre pouvait être conforme mais être associé à un dentiste différent de celui ayant effectivement réalisé les soins. Autre point : les conséquences d’un avis défavorable ne sont pas indiquées : l’avis est-il seulement consultatif ou un avis négatif sera-t-il rédhibitoire pour l’embauche et l’activité du dentiste concerné ? Enfin, il nous semble essentiel de s’assurer que l’ensemble de l’équipe soignante (ex : les assistant.e.s dentaires), et non pas seulement les dentistes, possède une qualification médicale reconnue (par des diplômes et certificats de compétences). En effet, des témoignages récents étayent le fait que du personnel sans formation dédiée accomplit dans certains centres des actes (ex : radio panoramique) susceptibles d’influencer le diagnostic du praticien ou la préparation bucco-dentaire du patient.
Nous suggérons d’introduire l’obligation de fourniture de contrat à chaque nouvelle embauche de salarié, ainsi que pour chaque remplacement occasionnel. Nous proposons qu’une photo d’identité récente complète chaque dossier envoyé. Les conséquences de la détection d’une anomalie doivent être davantage explicitées. La mesure doit s’appliquer à l’ensemble de l’équipe soignante.
5 On ne voit pas, ni dans l’ordonnance de 2018, ni dans ce projet, l’obligation pour l’ARS d’organiser la poursuite des soins des patients en cours de traitement au moment où est prononcée la fermeture d’un centre de santé dentaire. Or, cet aspect impacte directement la patientèle du dentaire qui présente la particularité de ne pas pouvoir être laissée « au milieu du gué » après avoir débuté un parcours de soins (l’os se résorbe rapidement après extraction d’une dent ; un « provisoire » n’a par définition pas vocation à rester longtemps en bouche ; un implant ne peut pas être laissé des mois sans prothèse associée ; parfois les patients ont réalisé une avance de fonds difficilement récupérable ou ne peuvent pas récupérer leur dossier médical, ce qui pose des obstacles à leur « transhumance » vers d’autres cabinets dentaires ; souvent les patients ont des difficultés à trouver des dentistes acceptant de les « reprendre », pour des raisons de coresponsabilité assurantielle, mais aussi d’ostracisation).
Parce que notre association défend la centralité du patient dans le système de soins, nous demandons à ce que le sort réservé à la patientèle soit clarifié en cas de fermeture du centre dentaire, que celle-ci soit provisoire ou définitive.
6 La disposition empêche que le gestionnaire d’un centre fermé, ou dont l’activité est suspendue, puisse ouvrir une autre structure de soins. Cette mesure nous semble la bienvenue car elle empêche le gestionnaire fautif de contourner les sanctions qui lui ont été faites et de poursuivre ses agissements frauduleux et/ou dangereux. En revanche, la disposition rate l’essentiel de sa cible, qui devrait consister à enrayer les mécanismes de délinquance d’affaires retrouvés dans le secteur de la création de centres dentaires associatifs. Notre association a bien conscience qu’il est important d’éviter que la proposition de loi soit retoquée pour cause de « cavalier législatif ». Cependant, il nous tient à cœur d’attirer l’attention du législateur sur le fait que l‘hypercroissance et la financiarisation du secteur des centres de santé associatifs s’accompagne d’une multiplication des montages frauduleux ou à la limite de la légalité. Trois types de mécanismes peuvent être dégagés : (i) le gestionnaire usera de tous les artifices possibles afin d’éviter que l’administration fiscale soumette l’association à but non-lucratif aux impôts commerciaux ; (ii) des sociétés commerciales « satellites » s’organisent en nébuleuse autour de l’association à but non-lucratif pour diminuer son résultat fiscal et/ou les vider de leur trésorerie en facturant des prestations ; (iii) le président d’une association peut être bénévole dans l’association mais percevoir une rémunération d’une société satellite dont l’association est la seule cliente, il touchera donc indirectement de l’argent de l’association, ce qui est un moyen de contourner la gestion désintéressée et l’obligation de n’avoir aucun intérêt direct dans les résultats de l’exploitation. Ces systèmes ont été dénoncés dès 2014 par le journaliste Guillaume Lamy de Lyon Capitale puis en 2017 par l’IGAS dans son rapport consacré au scandale Dentexia.
Nous suggérons que l’interdiction d’ouvrir un nouveau centre dentaire et les sanctions idoines s’appliquent non seulement au gestionnaire fautif mais aussi à toute l’équipe de gestion et à l’arborescence proximale formée par la ou les sociétés commerciales (et leurs actionnaires) avec laquelle ou lesquelles l’association à but non-lucratif avait contractualisé. Au minimum, toute sanction de fermeture devrait s’accompagner d’une enquête concomitante visant à détecter l’existence de montages juridiques nébuleux et la présence éventuelle de sociétés gigognes ou d’acteurs douteux appartenant au monde du capital-investissement.
Nos recommandations, listées ci-dessous, s’organisent selon la logique suivante : avant la création du centre de santé associatif, pendant son activité, après la fermeture de ses portes (par décision administrative ou en dehors des heures d’ouverture).
Deux amendements déposés à l’automne 2021 avaient passé le filtre de l’Assemblée Nationale, faisant naître l’espoir d’un meilleur contrôle de l’ouverture et du fonctionnement des centres de santé dentaire « à but non-lucratif ». Alors que ces avancées avaient été adoptées et (trop vite) saluées par les différentes corporations, le Conseil constitutionnel en a décidé autrement en annulant en catimini l’article 70 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS2022). Retour ou presque à la case départ.
Comme détaillé dans notre précédent communiqué, deux amendements (n°AS1100 et n°327) avaient été déposés et adoptés (le 29 novembre 2021) qui auraient pu doter l’Assurance Maladie de nouveaux moyens pour contrôler les centres de santé, en particulier dans le secteur dentaire (à la fois le plus concerné et le plus problématique). Ces textes, bien qu’imparfaits et lacunaires, avaient le mérite de commencer à adresser le problème du risque posé par certains centres dentaires de type « loi 1901 » et cela au travers d’une stratégie multi-leviers : en proposant de jouer sur le conventionnement des centres, en instaurant des sanctions en cas de mauvaises pratiques, en restaurant l’autorisation préalable à leur ouverture et en améliorant le phénotypage de leurs équipes médicales. Ces nouvelles mesures formaient le cœur des articles 70 et 71 initialement inscrits dans le PLFSS pour 2022.
Alors que ces propositions paraissaient déjà bien timides au regard des récents scandales de masse (Dentexia en 2016 et Proxidentaire en 2021) et des béances tenaces de la « loi Bachelot » (détaillées dans notre pétition), c’est le scénario du pire qui s’est produit : le Conseil Constitutionnel a, par décision du 16 décembre 2021, déclaré contraire à la Constitution l’article 70, c’est-à-dire l’article qui précisement aurait introduit les mesures d’encadrement les plus attendues et les plus pertinentes.
Ainsi, sous prétexte d’un « vice de procédure », le Conseil Constitutionnel a balayé :
Sans changement, le futur n’est plus ni moins que le passé. Les mêmes causes génèrent inlassablement les mêmes conséquences. Ces lapalissades n’en sont pas vraiment. Nous déplorons qu’après deux scandales de masse et des lots de plaintes accumulés sur l’ensemble du territoire, qu’après deux rapports de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (2016-075R et 2016-107R) et un autre de la CPAM (« Charges et produits » du 2 juillet 2020), rien ne change. Nous avions cru que, dans un soubresaut tardif, le Législateur allait enfin prendre la mesure des effets délétères de la Loi Bachelot et tout mettre en œuvre pour corriger le tir. Quand bien même l’article 70 aurait été entériné, de multiples chantiers seraient restés en friche, comme nous l’avions détaillé dans notre précédent communiqué. Mais cet article 70 a été annulé, laissant l’article 71 seul face à ses carences, à son manque de portée et, il faut bien le reconnaitre, à ses contradictions :
Au final, nous regrettons la décision du Conseil constitutionnel d’avoir annulé les dispositions législatives énumérées ci-dessus qui, bien que largement insuffisantes, auraient permis de faire un pas dans la bonne direction. Nous regrettons également l’absence de consultation des instances de représentation de la patientèle (les collectifs d’usagers, notre association…), dont la voix est systématiquement court-circuitée par les professionnels, leurs syndicats et les lobbies du secteur dentaire. De son côté, le Législateur (dont le rôle est d’anticiper les effets qu’auront ses lois) n’a pas jugé utile de suivre les recommandations que nous lui avions faites sur son projet d’ordonnance, publié le 12 janvier 2018, qui n’a fait que promouvoir l’essor des centres dentaires associatifs, sans introduire aucun garde-fou.
Après s’être abondamment et trop rapidement congratulés d’avoir enfin réussi à modifier le corpus législatif, rares ont été les instances et les protagonistes à dénoncer le « hold-up » institutionnel qui vient de se produire et la situation d’échec dans laquelle nous nous trouvons collectivement. L’hystérisation actuelle autour de la pandémie et de l’élection présidentielle à venir ne doivent pourtant pas occulter les autres sujets essentiels.
D’aucuns avanceront que le formalisme dont a fait preuve le Conseil constitutionnel s’avère normal et incontournable, qu’il prouve la bonne santé d’institutions veillant au grain à ce que les lois s’implémentent selon le modus operandi « ad hoc ». Que leur répondre ? Que ce manque de réalisme et de vista nous sidère. Nous n’avons aucun mal à reconnaître que nous avions nourri de faux espoirs, aujourd’hui douchés par l’excès de zèle des « Sages de la République ». Nous poursuivrons nos efforts pour tenter de faire bouger les lignes, nonobstant. Pour éviter la survenue d’autres scandales, d’autres victimes et pour éviter que nos dents (ou leur absence) ne deviennent définitivement une marchandise soumise à la rentabilité économique.
Solidairement,
Abdel Aouacheria
Montpellier, le 09 janvier 2022
Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue | associationladentbleue@gmail.com
Deux amendements viennent d’être approuvés, introduisant davantage de régulation pour tenter de sécuriser l’ouverture et le fonctionnement des centres de santé dentaire à bas coûts. L’adoption de ces textes fait suite au nouveau scandale Proxidentaire, dans le sillage de l’affaire des centres dentaires low-cost Dentexia. Nous saluons ces avancées notoires qui reprennent l’esprit et la lettre de notre pétition récemment déposée sur le site du Sénat. Si certains points essentiels sont à préciser, d’autres restent néanmoins encore en friche. Le Législateur entérine par ailleurs la possibilité que de nouveaux scandales puissent voir le jour du fait des manquements tenaces de la Loi Bachelot.
Un premier amendement (n°AS1100) déposé par Madame Fadila Khattabi (députée de Côte d’Or), proposé en Commission des Affaires Sociales le 14 octobre 2021, vient d’être adopté. Cet amendement dote l’Assurance Maladie de nouveaux leviers pour mieux contrôler les centres de santé, en jouant sur leur conventionnement et en instaurant des sanctions en cas de mauvaises pratiques. Un deuxième amendement, présenté par Mme Agnès Firmin Le Bodo (première auteure, également membre de la Commission des Affaires Sociales), réintroduit l’autorisation préalable à l’ouverture et les vérifications des équipes médicales.
Sur la forme, nous déplorons qu’il ait fallu deux scandales sanitaires de masse dans le secteur dentaire (Dentexia en 2016 et Proxidentaire en 2021), deux rapports de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (2016-075R et 2016-107R), un autre de la CPAM (« Charges et produits » du 2 juillet 2020) et plus de dix ans pour que le Législateur prenne enfin la mesure des effets délétères de la Loi Bachelot, datant de 2009. Pour rappel, au motif de favoriser « l’accès de tous à des soins de qualité », cette loi rendait possible la création de centres dentaires associatifs à but non-lucratif. Or, en l’absence de garde-fous adéquats, certaines structures ont profité de ce nouveau statut pour dévoyer l’esprit de la loi, en optant pour des choix délibérément mercantiles (installation dans des territoires déjà bien pourvus en offre de soins bucco-dentaires, positionnement sur des activités prothétiques et d’implantologie hors nomenclature, pilotage par tableau de bord, pratiques contraires à la déontologie médicale et à l’éthique financière). Plus de dix années ont donc passé depuis la promulgation de la Loi Bachelot, le temps long du pouvoir législatif préfigurant un autre temps long : celui de la Justice, puisque les procès ne manquent pas de traîner en longueur (déjà cinq ans d’instruction pour l’affaire Dentexia). Les victimes quant à elles s’inscrivent dans une toute autre temporalité car les défaillances de la Loi et les abus des centres dentaires crapuleux n’attendent pas pour causer leurs dégâts. Les drames humains se sont accumulés, bien réels, avec leurs dimensions sanitaires mais aussi financières et psychosociales.
Nous déplorons également l’absence de consultation des instances de représentation de la patientèle (les collectifs d’usagers, notre association…) qui comme à chaque fois n’ont pas voix au chapitre au moment de l’implémentation des textes législatifs et à qui le travail d’accompagnement des victimes est ensuite souvent délégué, lorsque les scandales ont éclaté. Nous luttons de toutes nos forces depuis des années pour faire bouger les lignes, en nous encapacitant individuellement et collectivement en tant que (groupes de) patients et victimes, bénévolement, de manière indépendante et en toute transparence. Nous déposions ainsi il y a quelques jours (le 29 septembre 2021) sur le site du Sénat une pétition faisant état de 16 propositions de bon sens pour améliorer la situation de la dentisterie en France, dans le « low-cost » et au-delà.
Sur le fond, nous saluons la décision de restaurer l’autorisation préalable à l’ouverture. Il s’agissait de rectifier l’un des « péchés originels » de la Loi Bachelot. En effet, cette dernière avait transformé en 2009 l’autorisation préalable à l’ouverture d’un centre de santé (octroyée par l’Agence régionale de santé) en une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur. En réinstituant l’agrément préalable à l’ouverture, le Législateur se dote à nouveau d’un levier pour décourager les fondateurs les moins motivés par la dimension médico-sociale du centre et éviter que ce dernier fonctionne comme une société commerciale déguisée. Sur ce point toutefois, il nous semble que le nouveau texte de loi n’est pas allé suffisamment loin et aurait pu rectifier deux autres « péchés originels » : le contrôle du « pedigree » des fondateurs des centres de santé et la déclaration de leurs conflits d’intérêts. Il faut faire en sorte que les centres de santé dentaire soient fondés et administrés par des professionnels de santé diplômés (et non pas par des professionnels issus d’autres secteurs comme la finance, le commerce…). En outre, il faut exiger la déclaration des liens et conflits d’intérêts, pour éviter que des sociétés privées parfois domiciliées à l’étranger en lien avec les centres de santé dentaire servent de canaux pour faire sortir l’argent de l’association à but non-lucratif. On sait depuis le scandale Dentexia que les dérives des centres de santé sont essentiellement liées à des questions financières, entraînant des conséquences sanitaires. Les nouvelles mesures nous paraissent donc timides et assez loin du compte pour ce qui est d’assainir, au profit de la patientèle, l’écosystème des centres de santé dentaire « à bas coûts ».
Nous nous réjouissons par ailleurs que les règles d’exercice du dentiste salarié en centre de santé associatif soient clarifiées. Il était devenu urgent de préciser ces règles, dont nous espérons qu’elles incluront le contrôle obligatoire de l’assurance RCP (Responsabilité Civile Professionnelle), cette dernière devant être souscrite de manière individuelle par le praticien, dont le profil devra être clairement identifiable (nom, prénom, qualifications) et qui devra être soumis aux mêmes règles déontologiques que le praticien exerçant en libéral.
En revanche, plusieurs points demeurent à nos yeux problématiques :
Nous invitons politiques, décideurs, pouvoirs publics, acteurs de santé et professionnels du secteur dentaire à considérer les points mentionnés dans notre pétition comme un point de départ. Nous les encourageons également à poursuivre (entamer ?) la réflexion sur les conditions d’une cohabitation en bonne intelligence sur l’ensemble du territoire des cabinets et centres dentaires de divers statuts (libéral, mutualiste, associatif, géré par une caisse d’assurance-maladie, hospitalier…) afin de rendre la plus concrète possible l’utopie d’un « accès de tous à des soins de qualité ».
Solidairement,
Abdel Aouacheria
Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue | associationladentbleue@gmail.com
France Inter a diffusé une enquête exceptionnelle sur le low-cost dentaire dans l’émission Secrets d’Info samedi 2 octobre 2021 entre 13h20 et 14h, à retrouver en podcast sur le site de la radio.
Il s’agit d’un format long (sans doute le plus long jamais réalisé à la radio sur le thème du dentaire) préparé par la journaliste Laetitia Cherel de la Cellule Investigation de Radio France. Cette enquête très fouillée, au ton juste, fait la part belle aux témoignages de victimes (de Dentexia et de Proxidentaire), tout en adoptant une vision surplombante sur les défaillances de Loi Bachelot. D’autres protagonistes ont également été interviewé.e.s (spécialistes, M. Le Ministre de la Santé Olivier Véran, notre association La Dent Bleue).
Nous espérons que ce reportage contribuera, avec tous les autres dans lesquels nous avons été impliqués d’une manière ou d’une autre depuis 2016, à faire bouger les lignes.
Nos remerciements les plus chaleureux aux victimes qui continuent à témoigner même plus de cinq ans après la liquidation de Dentexia. Et un mot de soutien aux nouvelles victimes, telles que celles de Proxidentaire. Nous espérons que ces victimes trouveront une issue positive à leurs déboires.
N’oubliez pas de signer notre pétition pour faire réviser la loi Bachelot (il faut se connecter mais ensuite tout le processus est anonyme). A diffuser sans modération.
Solidairement,
La Dent Bleue
L’association La Dent Bleue demande au Sénat de réviser en urgence la loi Bachelot pour mieux encadrer la création et le fonctionnement des centres de santé dentaire associatifs loi 1901. Un certain nombre de ces centres d’une part ont dévoyé l’esprit de la loi, en s’implantant dans des zones où l’offre de soins est déjà bien pourvue, et d’autre part sont en rupture avec la déontologie médicale en développant des pratiques mercantiles contraires à l’intérêt de la patientèle. Pour faire diminuer les risques encourus par les patient.e.s tout en maintenant l’existence des centres exerçant une réelle mission médico-sociale, apportez-nous votre soutien en signant notre pétition.
L’association « La Dent Bleue », créée dans le sillage du Collectif contre Dentexia, a rédigé une pétition intitulée « Faisons évoluer la législation sur les centres dentaires associatifs (dits « low-cost ») pour éviter la survenue de nouveaux scandales de masse ». Après avoir passé le processus éditorial et de modération très sélectif mis en place par la plateforme e-pétitions du Sénat (qui ne compte que 35 pétitions ouvertes), notre pétition a été approuvée et mise en ligne.
Le texte de la pétition rappelle que les problèmes posés par certains centres de santé associatifs ne sont pas exclusivement le fait d’un dirigeant corrompu (ex : Pascal Steichen) ou d’un petit groupe de gestionnaires à la cupidité hors norme. L’arsenal législatif doit être revu aussi bien dans son ensemble que dans le détail de chaque alinéa, pour mieux protéger la patientèle du secteur dentaire face à des risques intrinsèquement structurels. C’est la raison pour laquelle La Dent Bleue a élaboré un corpus de 16 propositions qui permettraient de mieux encadrer l’ouverture et le fonctionnement des centres dentaires associatifs autorisés par la Loi Bachelot de 2009 (complétée par l’ordonnance du 12 janvier 2018).
En tant qu’association d’information et de défense des intérêts des usagers et victimes du secteur dentaire, La Dent Bleue tient à préciser qu’elle ne se positionne pas en défaveur des centres de santé dentaire associatifs. Lorsqu’ils sont correctement administrés, ces centres constituent des relais de santé publique pouvant jouer un rôle médico-social majeur en relation avec certains territoires ou groupes socioéconomiques. Toutefois, des règles strictes doivent encadrer à la fois leur création et leur activité. Si de tels garde-fous avaient été prévus par le Législateur, il n’y aurait pas eu d’affaire Dentexia (et récemment de scandale Proxidentaire). Parce que les mécanismes de régulation et de contrôle sont lacunaires, les centres dentaires dits « low-cost » peuvent mettre en péril des cohortes importantes de centaines voire de milliers de patient.e.s, qui se retrouvent alors démuni.e.s et en situation de vulnérabilité.
Par le biais de cette pétition, La Dent Bleue forme donc le vœu de pouvoir saisir le Sénat d’une demande d’inscription à l’ordre du jour d’un nouveau texte législatif encadrant les centres de santé dentaire.
Nous, adhérent.e.s de La Dent Bleue, victimes de Dentexia, patient.e.s de centres dentaires à bas coûts, usagers du secteur dentaire français, nous vous invitons aujourd’hui à signer notre pétition.
Solidairement,
La Dent Bleue
Dans son arrêt du 14 septembre 2021, la Cour d’Appel de Paris rejette la requête en nullité déposée par le fondateur des centres dentaires associatifs « low-cost » DENTEXIA, qui ont fait plusieurs milliers de victimes entre 2012 et 2016. Si ces dernières se réjouissent de cette décision de justice, elles n’en demeurent pas moins inquiètes des lenteurs de la réponse pénale.
Un arrêt vient d’être prononcé par la Cour d’appel de Paris dans le cadre de l’instruction en cours sur l’affaire Dentexia. Vous avez été un certain nombre à nous contacter pour avoir des informations sur son contenu et les suites à donner au courrier (accompagné d’un CD-ROM) qui a été envoyé aux plaignant.e.s.
L’arrêt débute par la longue liste des plaignants (plus de 70 pages !) qui se sont constitués parties civiles, montrant la détermination et l’engagement des victimes pour que justice soit rendue. Ensuite, les faits reprochés à Pascal Steichen et aux autres personnes mises en examen sont listés, avec moult détails. Il est instructif de parcourir cette section, notamment pour se faire une idée de la manière dont Pascal Steichen et consorts organisent leur défense (ou leurs défenses respectives, pour être plus exact).
On rappellera les chefs d’accusation concernés : pratique commerciale trompeuse et tromperie aggravée ; blanchiment en bande organisée ; banqueroute ; abus de confiance ; abus de biens sociaux ; fraude fiscale ; escroquerie en bande organisée ; complicité de violences volontaires ayant entraîné une mutilation et/ou une infirmité permanente.
La Cour met en avant la mission « d’intérêt général » exercée par le « Collectif contre Dentexia », que nous avions fondé en 2016 et qui a permis aux victimes de se structurer et d’agir collectivement (encore aujourd’hui) pour faire face, s’entraider et interagir avec les nombreuses parties en présence.
Au niveau des conclusions, on apprend que la chambre de l’instruction a rejeté la demande de nullité présentée par Pascal Steichen, qui s’était plaint de « l’impartialité » supposée de l’un des experts (le Pr. MISSIKA) agréé près des tribunaux et mandaté pour examiner certaines des victimes de Dentexia dans le cadre de la procédure pénale (audience du 18 mai 2021). Cette manœuvre constituait à l’évidence une tentative de « pourrissement » pour rallonger la durée de l’instruction et discréditer le traitement de l’affaire au plan médico-judiciaire. Le courrier reçu cette semaine indique que Pascal Steichen a été débouté de sa demande par la Cour. Il n’a donc pas obtenu gain de cause, c’est une bonne nouvelle pour l’ensemble des plaignant.e.s !
Pascal Steichen et ses avocats vont sans doute se pourvoir en cassation pour contester cette décision de justice et tenter de gagner du temps, comme d’habitude (même si le pourvoi en cassation ne suspend pas forcément le déroulé de l’instruction). En tout état de cause, les victimes prennent acte de cette décision de justice, tout en ne cachant pas leur désarroi face aux lenteurs de la réponse pénale (cinq années nous séparant aujourd’hui de la liquidation de l’enseigne DENTEXIA).
Les plaignant.e.s n’ont rien à faire sinon à prendre acte du document. Inutile à ce stade de répondre ou de se rendre à Paris.
Solidairement,
La Dent Bleue
Manifestation en soutien aux victimes de la chaine dentaire “low-cost” Proxidentaire.
RDV samedi 25 septembre 2021 à 10h devant le centre dentaire Proxidentaire à Chevigny Saint-Sauveur.
Venez nombreux.ses!
Solidairement,
La Dent Bleue
Le rôle du sourire (et son absence) dans nos rencontres, notre relation aux autres, dans la société, au travail etc. Des injonctions faites aux femmes à sourire, à celle de ne pas trop sourire pour certains hommes (ce ne serait pas viril ?!), jusqu’à la disparition des sourires depuis le port obligatoire du masque dans de nombreux lieux publics. Nous sommes tous confronté·es au sujet, quel que soit notre parcours dentaire. Dans cet épisode, 3 invité·es : Olivier Cyran, auteur du livre “Sur les dents : ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale” (éditions La Découverte), Abdel Aouacheria, chercheur au CNRS et cofondateur de l’association “La dent bleue”, et Nordy, militante, féministe, présidente de l’association SOROSA (Sororité, Solidarité, Accueil). Podcast à écouter ici. Durée: 1h10.
Deux centres de santé dentaire associatifs de l’enseigne Proxidentaire ont vu leur activité suspendue par l’ARS Bourgogne-Franche-Comté. Ces deux suspensions, prononcées à intervalle proche, ne sont pas sans rappeler les débuts du premier scandale dentaire de masse survenu en France en 2016 : l’affaire Dentexia. Si notre association ne peut que saluer l’intervention de l’ARS pour repérer les centres faisant état d’irrégularités dans leur fonctionnement, elle s’inquiète toutefois pour la patientèle de Proxidentaire, à qui nous souhaitons un sentier moins ardu que celui emprunté à l’époque par le « Collectif contre Dentexia ». Le moment semble opportun pour un partage d’expériences et pour rappeler la nécessité criante de revoir les dispositifs législatifs en vigueur.
Les centres de santé dentaire associatifs (loi 1901) sont des relais de santé publique, qui peuvent jouer un rôle médico-social majeur en relation avec certains territoires ou groupes socioéconomiques. Toutefois, nous n’avons eu de cesse de rappeler que des règles strictes devaient encadrer à la fois leur création et leur fonctionnement. Si de tels garde-fous avaient été prévus par le Législateur, il n’y aurait pas eu d’affaire Dentexia. Parce que les mécanismes de régulation et de contrôle sont lacunaires, les centres dentaires dits « low-cost » peuvent mettre en péril des cohortes importantes de centaines voire de milliers de patient.e.s, qui se retrouvent alors démunis et en situation de vulnérabilité.
Nous avons récemment appris par voie de presse que l’activité de deux centres dentaires associatifs de la chaîne Proxidentaire, respectivement localisés à Chevigny-Saint-Sauveur et à Belfort, avait été suspendue par l’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté. Nous nous réjouissons que l’ARS ait pris l’initiative d’effectuer de tel contrôles, et que ces derniers se soient soldés par une mise en demeure obligeant les centres Proxidentaire à remédier aux divers manquements constatés. Nous apprécions par ailleurs la mise en place immédiate d’un numéro vert censé aider et orienter la patientèle vers des solutions de poursuite de soins.
En tant qu’association d’information et de défense des intérêts des usagers et victimes du secteur dentaire, nous tenons à exprimer toute notre solidarité et notre soutien aux patientes et patients des centres Proxidentaire impliqués. Nous saluons également les protagonistes qui ont su faire preuve de réactivité, de lucidité et d’engagement citoyen en créant un Collectif, auquel nous souhaitons des résultats rapides et efficaces. Face à des professionnels et à des acteurs de santé publique en général toujours mieux structurés que les victimes, c’est l’union de ces dernières qui fera leur force !
En tant qu’association créée dans le sillage du Collectif des victimes de Dentexia, il nous a paru de notre responsabilité de communiquer les éléments listés ci-dessous, susceptibles d’aider les parties impliquées et/ou de leur éviter certains des écueils que nous avons pu rencontrer par le passé.
Deux points avant de conclure.
Aujourd’hui, les problèmes posés par certains centres de santé associatifs ne sont pas exclusivement le fait d’un dirigeant corrompu ou d’un petit groupe de gestionnaires à la cupidité hors norme. L’arsenal législatif doit être revu aussi bien dans son ensemble que dans le détail de chaque alinéa, pour mieux protéger la patientèle du secteur dentaire face à des risques intrinsèquement structurels.
Enfin, il ne faut pas minimiser l’impact psychologique sur la patientèle d’une prise en charge défaillante ou d’incertitudes sur l’avenir. Un.e patient.e découvrant avec stupeur que son centre dentaire a été fermé devient sans transition ou presque une victime laissée au milieu du gué, en situation de vulnérabilité, et la plupart du temps ignorante des leviers à activer pour s’acheminer vers une sortie de crise. Souvent, les leviers sont mal définis, inadaptés quand ils ne sont pas tout simplement inexistants, amenant les victimes à devoir partir à leur recherche et parfois même à les inventer, ce qui suppose de travailler avec tous les interlocuteurs de bonne volonté.
Nous voulons croire que les dirigeants des centres Proxidentaire, les acteurs du système de santé et les entités impliquées dans la répression des fraudes sauront agir de concert pour venir en aide et accompagner la patientèle de Proxidentaire et leurs représentant.e.s, à qui nous réitérons tout notre soutien face au séisme qui les affecte et aux épreuves qui ne manqueront pas de les attendre.
Solidairement,
Abdel Aouacheria
Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue | associationladentbleue@gmail.com