INVESTIGATION
Résumé:
Fermés définitivement par I’ARS en octobre dernier, les centres proxidentaires de Chevigny-Saint-Sauveur et de Belfort font l’objet d’une instruction judiciaire digne des plus grands Faîtes entrer I’accusé. 78 plaintes au pénal sur fond d’abus de confiance, exercice illégal de la médecine et mutilations volontaires. Enquête sur une affaire hors norme.
Lire le PDF: Article Proxidentaire SPARSE_20220619_0001.
Texte : Léo Thiery
Illustrations : Mickaél Sallit
Solidairement,
La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com
Deux amendements déposés à l’automne 2021 avaient passé le filtre de l’Assemblée Nationale, faisant naître l’espoir d’un meilleur contrôle de l’ouverture et du fonctionnement des centres de santé dentaire « à but non-lucratif ». Alors que ces avancées avaient été adoptées et (trop vite) saluées par les différentes corporations, le Conseil constitutionnel en a décidé autrement en annulant en catimini l’article 70 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS2022). Retour ou presque à la case départ.
Comme détaillé dans notre précédent communiqué, deux amendements (n°AS1100 et n°327) avaient été déposés et adoptés (le 29 novembre 2021) qui auraient pu doter l’Assurance Maladie de nouveaux moyens pour contrôler les centres de santé, en particulier dans le secteur dentaire (à la fois le plus concerné et le plus problématique). Ces textes, bien qu’imparfaits et lacunaires, avaient le mérite de commencer à adresser le problème du risque posé par certains centres dentaires de type « loi 1901 » et cela au travers d’une stratégie multi-leviers : en proposant de jouer sur le conventionnement des centres, en instaurant des sanctions en cas de mauvaises pratiques, en restaurant l’autorisation préalable à leur ouverture et en améliorant le phénotypage de leurs équipes médicales. Ces nouvelles mesures formaient le cœur des articles 70 et 71 initialement inscrits dans le PLFSS pour 2022.
Alors que ces propositions paraissaient déjà bien timides au regard des récents scandales de masse (Dentexia en 2016 et Proxidentaire en 2021) et des béances tenaces de la « loi Bachelot » (détaillées dans notre pétition), c’est le scénario du pire qui s’est produit : le Conseil Constitutionnel a, par décision du 16 décembre 2021, déclaré contraire à la Constitution l’article 70, c’est-à-dire l’article qui précisement aurait introduit les mesures d’encadrement les plus attendues et les plus pertinentes.
Ainsi, sous prétexte d’un « vice de procédure », le Conseil Constitutionnel a balayé :
Sans changement, le futur n’est plus ni moins que le passé. Les mêmes causes génèrent inlassablement les mêmes conséquences. Ces lapalissades n’en sont pas vraiment. Nous déplorons qu’après deux scandales de masse et des lots de plaintes accumulés sur l’ensemble du territoire, qu’après deux rapports de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (2016-075R et 2016-107R) et un autre de la CPAM (« Charges et produits » du 2 juillet 2020), rien ne change. Nous avions cru que, dans un soubresaut tardif, le Législateur allait enfin prendre la mesure des effets délétères de la Loi Bachelot et tout mettre en œuvre pour corriger le tir. Quand bien même l’article 70 aurait été entériné, de multiples chantiers seraient restés en friche, comme nous l’avions détaillé dans notre précédent communiqué. Mais cet article 70 a été annulé, laissant l’article 71 seul face à ses carences, à son manque de portée et, il faut bien le reconnaitre, à ses contradictions :
Au final, nous regrettons la décision du Conseil constitutionnel d’avoir annulé les dispositions législatives énumérées ci-dessus qui, bien que largement insuffisantes, auraient permis de faire un pas dans la bonne direction. Nous regrettons également l’absence de consultation des instances de représentation de la patientèle (les collectifs d’usagers, notre association…), dont la voix est systématiquement court-circuitée par les professionnels, leurs syndicats et les lobbies du secteur dentaire. De son côté, le Législateur (dont le rôle est d’anticiper les effets qu’auront ses lois) n’a pas jugé utile de suivre les recommandations que nous lui avions faites sur son projet d’ordonnance, publié le 12 janvier 2018, qui n’a fait que promouvoir l’essor des centres dentaires associatifs, sans introduire aucun garde-fou.
Après s’être abondamment et trop rapidement congratulés d’avoir enfin réussi à modifier le corpus législatif, rares ont été les instances et les protagonistes à dénoncer le « hold-up » institutionnel qui vient de se produire et la situation d’échec dans laquelle nous nous trouvons collectivement. L’hystérisation actuelle autour de la pandémie et de l’élection présidentielle à venir ne doivent pourtant pas occulter les autres sujets essentiels.
D’aucuns avanceront que le formalisme dont a fait preuve le Conseil constitutionnel s’avère normal et incontournable, qu’il prouve la bonne santé d’institutions veillant au grain à ce que les lois s’implémentent selon le modus operandi « ad hoc ». Que leur répondre ? Que ce manque de réalisme et de vista nous sidère. Nous n’avons aucun mal à reconnaître que nous avions nourri de faux espoirs, aujourd’hui douchés par l’excès de zèle des « Sages de la République ». Nous poursuivrons nos efforts pour tenter de faire bouger les lignes, nonobstant. Pour éviter la survenue d’autres scandales, d’autres victimes et pour éviter que nos dents (ou leur absence) ne deviennent définitivement une marchandise soumise à la rentabilité économique.
Solidairement,
Abdel Aouacheria
Montpellier, le 09 janvier 2022
Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue | associationladentbleue@gmail.com
Deux amendements viennent d’être approuvés, introduisant davantage de régulation pour tenter de sécuriser l’ouverture et le fonctionnement des centres de santé dentaire à bas coûts. L’adoption de ces textes fait suite au nouveau scandale Proxidentaire, dans le sillage de l’affaire des centres dentaires low-cost Dentexia. Nous saluons ces avancées notoires qui reprennent l’esprit et la lettre de notre pétition récemment déposée sur le site du Sénat. Si certains points essentiels sont à préciser, d’autres restent néanmoins encore en friche. Le Législateur entérine par ailleurs la possibilité que de nouveaux scandales puissent voir le jour du fait des manquements tenaces de la Loi Bachelot.
Un premier amendement (n°AS1100) déposé par Madame Fadila Khattabi (députée de Côte d’Or), proposé en Commission des Affaires Sociales le 14 octobre 2021, vient d’être adopté. Cet amendement dote l’Assurance Maladie de nouveaux leviers pour mieux contrôler les centres de santé, en jouant sur leur conventionnement et en instaurant des sanctions en cas de mauvaises pratiques. Un deuxième amendement, présenté par Mme Agnès Firmin Le Bodo (première auteure, également membre de la Commission des Affaires Sociales), réintroduit l’autorisation préalable à l’ouverture et les vérifications des équipes médicales.
Sur la forme, nous déplorons qu’il ait fallu deux scandales sanitaires de masse dans le secteur dentaire (Dentexia en 2016 et Proxidentaire en 2021), deux rapports de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (2016-075R et 2016-107R), un autre de la CPAM (« Charges et produits » du 2 juillet 2020) et plus de dix ans pour que le Législateur prenne enfin la mesure des effets délétères de la Loi Bachelot, datant de 2009. Pour rappel, au motif de favoriser « l’accès de tous à des soins de qualité », cette loi rendait possible la création de centres dentaires associatifs à but non-lucratif. Or, en l’absence de garde-fous adéquats, certaines structures ont profité de ce nouveau statut pour dévoyer l’esprit de la loi, en optant pour des choix délibérément mercantiles (installation dans des territoires déjà bien pourvus en offre de soins bucco-dentaires, positionnement sur des activités prothétiques et d’implantologie hors nomenclature, pilotage par tableau de bord, pratiques contraires à la déontologie médicale et à l’éthique financière). Plus de dix années ont donc passé depuis la promulgation de la Loi Bachelot, le temps long du pouvoir législatif préfigurant un autre temps long : celui de la Justice, puisque les procès ne manquent pas de traîner en longueur (déjà cinq ans d’instruction pour l’affaire Dentexia). Les victimes quant à elles s’inscrivent dans une toute autre temporalité car les défaillances de la Loi et les abus des centres dentaires crapuleux n’attendent pas pour causer leurs dégâts. Les drames humains se sont accumulés, bien réels, avec leurs dimensions sanitaires mais aussi financières et psychosociales.
Nous déplorons également l’absence de consultation des instances de représentation de la patientèle (les collectifs d’usagers, notre association…) qui comme à chaque fois n’ont pas voix au chapitre au moment de l’implémentation des textes législatifs et à qui le travail d’accompagnement des victimes est ensuite souvent délégué, lorsque les scandales ont éclaté. Nous luttons de toutes nos forces depuis des années pour faire bouger les lignes, en nous encapacitant individuellement et collectivement en tant que (groupes de) patients et victimes, bénévolement, de manière indépendante et en toute transparence. Nous déposions ainsi il y a quelques jours (le 29 septembre 2021) sur le site du Sénat une pétition faisant état de 16 propositions de bon sens pour améliorer la situation de la dentisterie en France, dans le « low-cost » et au-delà.
Sur le fond, nous saluons la décision de restaurer l’autorisation préalable à l’ouverture. Il s’agissait de rectifier l’un des « péchés originels » de la Loi Bachelot. En effet, cette dernière avait transformé en 2009 l’autorisation préalable à l’ouverture d’un centre de santé (octroyée par l’Agence régionale de santé) en une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur. En réinstituant l’agrément préalable à l’ouverture, le Législateur se dote à nouveau d’un levier pour décourager les fondateurs les moins motivés par la dimension médico-sociale du centre et éviter que ce dernier fonctionne comme une société commerciale déguisée. Sur ce point toutefois, il nous semble que le nouveau texte de loi n’est pas allé suffisamment loin et aurait pu rectifier deux autres « péchés originels » : le contrôle du « pedigree » des fondateurs des centres de santé et la déclaration de leurs conflits d’intérêts. Il faut faire en sorte que les centres de santé dentaire soient fondés et administrés par des professionnels de santé diplômés (et non pas par des professionnels issus d’autres secteurs comme la finance, le commerce…). En outre, il faut exiger la déclaration des liens et conflits d’intérêts, pour éviter que des sociétés privées parfois domiciliées à l’étranger en lien avec les centres de santé dentaire servent de canaux pour faire sortir l’argent de l’association à but non-lucratif. On sait depuis le scandale Dentexia que les dérives des centres de santé sont essentiellement liées à des questions financières, entraînant des conséquences sanitaires. Les nouvelles mesures nous paraissent donc timides et assez loin du compte pour ce qui est d’assainir, au profit de la patientèle, l’écosystème des centres de santé dentaire « à bas coûts ».
Nous nous réjouissons par ailleurs que les règles d’exercice du dentiste salarié en centre de santé associatif soient clarifiées. Il était devenu urgent de préciser ces règles, dont nous espérons qu’elles incluront le contrôle obligatoire de l’assurance RCP (Responsabilité Civile Professionnelle), cette dernière devant être souscrite de manière individuelle par le praticien, dont le profil devra être clairement identifiable (nom, prénom, qualifications) et qui devra être soumis aux mêmes règles déontologiques que le praticien exerçant en libéral.
En revanche, plusieurs points demeurent à nos yeux problématiques :
Nous invitons politiques, décideurs, pouvoirs publics, acteurs de santé et professionnels du secteur dentaire à considérer les points mentionnés dans notre pétition comme un point de départ. Nous les encourageons également à poursuivre (entamer ?) la réflexion sur les conditions d’une cohabitation en bonne intelligence sur l’ensemble du territoire des cabinets et centres dentaires de divers statuts (libéral, mutualiste, associatif, géré par une caisse d’assurance-maladie, hospitalier…) afin de rendre la plus concrète possible l’utopie d’un « accès de tous à des soins de qualité ».
Solidairement,
Abdel Aouacheria
Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue | associationladentbleue@gmail.com
France Inter a diffusé une enquête exceptionnelle sur le low-cost dentaire dans l’émission Secrets d’Info samedi 2 octobre 2021 entre 13h20 et 14h, à retrouver en podcast sur le site de la radio.
Il s’agit d’un format long (sans doute le plus long jamais réalisé à la radio sur le thème du dentaire) préparé par la journaliste Laetitia Cherel de la Cellule Investigation de Radio France. Cette enquête très fouillée, au ton juste, fait la part belle aux témoignages de victimes (de Dentexia et de Proxidentaire), tout en adoptant une vision surplombante sur les défaillances de Loi Bachelot. D’autres protagonistes ont également été interviewé.e.s (spécialistes, M. Le Ministre de la Santé Olivier Véran, notre association La Dent Bleue).
Nous espérons que ce reportage contribuera, avec tous les autres dans lesquels nous avons été impliqués d’une manière ou d’une autre depuis 2016, à faire bouger les lignes.
Nos remerciements les plus chaleureux aux victimes qui continuent à témoigner même plus de cinq ans après la liquidation de Dentexia. Et un mot de soutien aux nouvelles victimes, telles que celles de Proxidentaire. Nous espérons que ces victimes trouveront une issue positive à leurs déboires.
N’oubliez pas de signer notre pétition pour faire réviser la loi Bachelot (il faut se connecter mais ensuite tout le processus est anonyme). A diffuser sans modération.
Solidairement,
La Dent Bleue
L’association La Dent Bleue demande au Sénat de réviser en urgence la loi Bachelot pour mieux encadrer la création et le fonctionnement des centres de santé dentaire associatifs loi 1901. Un certain nombre de ces centres d’une part ont dévoyé l’esprit de la loi, en s’implantant dans des zones où l’offre de soins est déjà bien pourvue, et d’autre part sont en rupture avec la déontologie médicale en développant des pratiques mercantiles contraires à l’intérêt de la patientèle. Pour faire diminuer les risques encourus par les patient.e.s tout en maintenant l’existence des centres exerçant une réelle mission médico-sociale, apportez-nous votre soutien en signant notre pétition.
L’association « La Dent Bleue », créée dans le sillage du Collectif contre Dentexia, a rédigé une pétition intitulée « Faisons évoluer la législation sur les centres dentaires associatifs (dits « low-cost ») pour éviter la survenue de nouveaux scandales de masse ». Après avoir passé le processus éditorial et de modération très sélectif mis en place par la plateforme e-pétitions du Sénat (qui ne compte que 35 pétitions ouvertes), notre pétition a été approuvée et mise en ligne.
Le texte de la pétition rappelle que les problèmes posés par certains centres de santé associatifs ne sont pas exclusivement le fait d’un dirigeant corrompu (ex : Pascal Steichen) ou d’un petit groupe de gestionnaires à la cupidité hors norme. L’arsenal législatif doit être revu aussi bien dans son ensemble que dans le détail de chaque alinéa, pour mieux protéger la patientèle du secteur dentaire face à des risques intrinsèquement structurels. C’est la raison pour laquelle La Dent Bleue a élaboré un corpus de 16 propositions qui permettraient de mieux encadrer l’ouverture et le fonctionnement des centres dentaires associatifs autorisés par la Loi Bachelot de 2009 (complétée par l’ordonnance du 12 janvier 2018).
En tant qu’association d’information et de défense des intérêts des usagers et victimes du secteur dentaire, La Dent Bleue tient à préciser qu’elle ne se positionne pas en défaveur des centres de santé dentaire associatifs. Lorsqu’ils sont correctement administrés, ces centres constituent des relais de santé publique pouvant jouer un rôle médico-social majeur en relation avec certains territoires ou groupes socioéconomiques. Toutefois, des règles strictes doivent encadrer à la fois leur création et leur activité. Si de tels garde-fous avaient été prévus par le Législateur, il n’y aurait pas eu d’affaire Dentexia (et récemment de scandale Proxidentaire). Parce que les mécanismes de régulation et de contrôle sont lacunaires, les centres dentaires dits « low-cost » peuvent mettre en péril des cohortes importantes de centaines voire de milliers de patient.e.s, qui se retrouvent alors démuni.e.s et en situation de vulnérabilité.
Par le biais de cette pétition, La Dent Bleue forme donc le vœu de pouvoir saisir le Sénat d’une demande d’inscription à l’ordre du jour d’un nouveau texte législatif encadrant les centres de santé dentaire.
Nous, adhérent.e.s de La Dent Bleue, victimes de Dentexia, patient.e.s de centres dentaires à bas coûts, usagers du secteur dentaire français, nous vous invitons aujourd’hui à signer notre pétition.
Solidairement,
La Dent Bleue
Manifestation en soutien aux victimes de la chaine dentaire “low-cost” Proxidentaire.
RDV samedi 25 septembre 2021 à 10h devant le centre dentaire Proxidentaire à Chevigny Saint-Sauveur.
Venez nombreux.ses!
Solidairement,
La Dent Bleue