20 POINTS-CLÉS POUR AMÉLIORER LE SECTEUR DE LA SANTÉ BUCCO-DENTAIRE EN FRANCE DEPUIS LA PERSPECTIVE PATIENT (par La Dent Bleue)

La Dent Bleue a répondu à la sollicitation de l’Association Dentaire Française et du COMIDENT de participer à l’élaboration d’une nouvelle stratégie de santé bucco-dentaire.

La contribution de notre association prend la forme d’analyses et de recommandations inédites (NOTE DE POSITION, 17 pages) déposées sur la plateforme de consultation publique mise en place par l’ADF et le COMIDENT.

Montpellier, le 31 octobre 2023

La consultation lancée par l’ADF et le COMIDENT s’intitule:

« La santé bucco-dentaire est-elle une des grandes oubliées des stratégies nationales de santé ? Vous avez la parole. »

 

Les contributions des parties-prenantes ont pour vocation à alerter les pouvoirs publics sur les enjeux de prévention en matière de santé bucco-dentaire et d’amélioration de sa prise en charge, et ce pour tous les publics.

Nous avons déposé ce jour une NOTE DE POSITION de 17 pages, qui détaille vingt points-clefs:

  1. Des mesures pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux chirurgiens-dentistes.
  2. Davantage de garde-fous et de contrôles pour les centres de santé dentaire.
  3. Davantage de vigilance concernant les conflits d’intérêt et l’entrisme des industriels.
  4. Des mesures permettant de réduire significativement les frais dentaires.
  5. Mettre la prévention, les diagnostics précoces et les actes conservateurs au coeur du système.
  6. Penser les parcours de soins en fonction de leur pertinence médicale plutôt que pécuniaire.
  7. Gérer les situations des patients en interdisciplinarité.
  8. Relation de soin et relation d’aide ne peuvent pas être dissociées.
  9. Favoriser la participation active des patients à leur santé bucco-dentaire.
  10. Mieux comprendre, prévenir et gérer les situations de refus de soins.
  11. Pour une évaluation collégiale des plans de traitement.
  12. Pour la programmation de visites de contrôle régulières.
  13. Améliorer l’information du patient tout au long de son exposition à des soins de santé.
  14. Développer et appliquer des outils et des méthodes pour l’évaluation des soins.
  15. Optimiser le suivi des prescriptions, des soins et des résultats d’examens dentaires.
  16. Pour une meilleure gestion des plaintes et des litiges dans le domaine bucco-dentaire.
  17. Revisiter les visions éthiques et déontologiques de la profession.
  18. S’ouvrir à d’autres modèles et développer des modes de gouvernance plus inclusifs.
  19. Une Fondation philanthropique pour mettre en oeuvre des aides et une prévention plus efficaces.
  20. Réaffecter les budgets, faire contribuer le secteur privé et taxer les industriels ennemis des dents.

 

Notre texte (version intégrale) se veut être un document évolutif et contributif: nous serions friands de recevoir vos commentaires et propositions, dans l’espoir d’aboutir à une vraie co-construction et à un changement de culture et de paradigme.

Bonne lecture!

 

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com

La Dent Bleue s’offusque de l’annonce récente de la diminution du remboursement des frais dentaires par l’Assurance Maladie et vous invite à signer la pétition suivante mise en ligne par l’association citoyenne Le Mouvement:

Ne nous cassez pas les dents !

A Thomas Fatôme, Directeur général de la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et à François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention.

Nous sommes nombreux à être des “sans dents” comme disait un ancien président. Et nous risquons d’être de plus en plus nombreux.

Combien de fois avez-vous mis fin à des soins dentaires faute de moyens ? Combien de personnes autour de vous l’ont déjà fait ? Combien à avoir supporté la douleur lancinante d’une dent endommagée par crainte d’une facture trop élevée ? Une réalité dont le gouvernement ne semble pas se soucier.

Il y a quelques jours, l’Assurance Maladie annonçait à la surprise générale une diminution de sa prise en charge des soins dentaires de 70% à 60%. Cette décision unilatérale et sans concertation annoncée le 15 juin prendra effet à partir du 1er octobre 2023.

Cette nouvelle va, encore une fois, se répercuter sur les dépenses des ménages comme s’ils ne souffraient pas déjà suffisamment de l’inflation. En effet, le reste à charge pour les mutuelles augmentera et entraînera de facto une hausse des tarifs de cotisations.

Cela même alors que l’accès aux soins dentaires est déjà largement inégalitaire. Fin 2016, un rapport de la Cour des comptes dénonçait déjà “une érosion continue des prises en charge par l’assurance maladie”. Le secteur dentaire est celui qui est le plus concerné par les renoncements faute de moyens, cette mesure va venir encore empirer la situation. On ne peut pas laisser passer cela.

Aujourd’hui, environ 4% de la population générale française ne bénéficie pas de complémentaire santé. La baisse de la prise en charge de l’Assurance maladie va donc conduire davantage de personnes en situation de précarité à renoncer à leurs soins et cela nous est insupportable.

Au pays de la Sécu et des conquêtes sociales, on ne peut pas assister sans rien faire à ce démantèlement obscène de nos droits pour des raisons financières lorsque les plus riches n’ont de cesse de voir leur fortune augmenter.

Mais ensemble, nous pouvons faire pression sur la CNAM pour qu’elle renonce à cette injustice !

Cliquez ici pour signer la pétition

Par ~ le mouvement

 

Relayé par La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com

Vers un nouveau scandale dentaire ?
La Dent Bleue alerte sur la fermeture des centres d’orthodontie BLOOMSQUARE

Des patient.e.s ont contacté l’association La Dent Bleue pour exprimer leur désarroi et leur consternation face à la défaillance et la fermeture récente de centres dentaires appartenant à l’enseigne BLOOMSQUARE, spécialisée dans l’orthodontie. Les deux adresses parisiennes appartiennent à un réseau d’Associations spécialisées dans le traitement par gouttières transparentes (Invisalign), au marketing bien rôdé, très actif sur les réseaux sociaux et proposant des tarifs aguicheurs. Notre association demande qui va reprendre la patientèle (qui a payé d’avance, comme chez Dentexia), qui va les aider sur le délicat volet juridique et exige plus de transparence sur le montage et l’activité de ces nouveaux acteurs de la dentisterie (qui n’est pas seulement esthétique).

Montpellier, le 24 mars 2023

Le message posté sur notre site laisse comme un arrière-goût d’éternel recommencement, un de ceux dont on se serait bien passé. Attiré.e.s par les sirènes de l’orthodontie rapide et à bas coûts, des dizaines (demain des centaines ?) de patient.e.s se retrouveraient aujourd’hui sur le carreau, certain.e.s après avoir payé la totalité de leur plan de traitement par avance (ou par crédit via la plateforme Alma de solution de paiement en dix fois). Ces victimes ont enduré la litanie des centres dentaires défaillants : devis bâclés, pression à la signature, délais à rallonge, indisponiblité du matériel et du personnel, disparition subite de praticiens, transhumance entre cabinets de l’enseigne et in fine incapacité de répondre au besoin initial. Comme à chaque fois, la patientèle est sidérée et laissée en proie à de vives inquiétudes, ne sachant que faire pour récupérer son dû et auprès de qui se tourner pour poursuivre ses soins.

Cette fois-ci, après Dentexia, Proxidentaire et Dentexelans, la chaîne de centres dentaires s’appelle BLOOMSQUARE Studio. Comme nous l’avions déjà fait remarquer, les exigences esthétiques des patients sont en augmentation constante (du fait d’un cadre sociétal normatif et aussi sans doute par la généralisation d’une offre de soins favorisant à son tour la demande). C’est un fait : le sourire est une vitrine sociale, un marqueur de classes et de nombreux parents veulent que leurs enfants et adolescents aient les « dents droites », pour leur donner une meilleure chance de réussir dans la vie. C’est sur cette vague qu’a surfé avec brio BLOOMSQUARE, ce nouvel acteur de la dentisterie, spécialisé dans la niche des traitements orthodontiques, en particulier Invisalign. Le site internet des centres est particulièrement soigné, tout comme leur communication digitale sur les réseaux sociaux (cf. leur compte Instagram). Deux adresses parisiennes (ouvertes le samedi) sont accessibles depuis la plateforme Doctolib : BloomSquare Studio Haussmann, 162 Boulevard Haussmann, 75008 Paris et BloomSquare Studio Levallois, 68 Rue Aristide Briand, 92300 Levallois-Perret. Ce matin, le standard téléphonique fonctionnait…mais personne n’était au bout du fil.

 

 

Les demandes de notre association sont claires :

  • Les dirigeants des centres dentaires concernés, mais aussi les autorités, qui ont permis leur ouverture et leur activité, doivent se préoccuper de toute urgence et en premier lieu du suivi clinique et administratif des patient.e.s ; en particulier, nous attendons que les victimes ne soient pas ostracisées (notamment pour des raisons assurantielles) et puissent appréhender sereinement la poursuite de leurs soins ;
  • Que des enquêtes (aujourd’hui journalistiques, demain judiciaires) soient menées pour savoir ce qui a pu jeter BLOOMSQUARE dans une telle situation : nouvelle pyramide de Ponzi à la Madoff ? Les fonds d’investissement gravitant autour de l’association ont-ils retiré leurs billes ? A-t-on affaire à des gestionnaires déraisonnables voire crapuleux ? On remarquera que la société commerciale (ESTIMM) mentionnée sur le très beau site internet de BLOOMSQUARE fait l’objet d’une procédure collective (après un transfert du siège social le 11 janvier 2023, la société a été placée sous liquidation judiciaire hier, le 23 mars 2023). Nous demandons aux autorités et aux tutelles (Mandataire judiciaire, ARS, ONCD, DGCCRF…) à ce que les victimes soient accompagnées sur le volet juridique, qui s’avère d’ores et déjà particulièrement délicat, et que le rôle des mutuelles et plateformes de santé soient investigué.
  • Que le cadre législatif permettant la multiplication et le fonctionnement de centres dentaires dits « associatifs » (en réalité téléguidés par des intérêts privés) soient resserés afin d’empêcher définitivement toute dérive du secteur, et que de lourdes sanctions soient prévues en cas de dysfonctionnement. En particulier, nous avions pris conscience dès le scandale Dentexia (2016), que ce sont toujours des dérives financières qui causent du risque pour la patientèle. Nous savons également que les protagonistes les moins motivés par la dimension sanitaire de la dentisterie font montre d’une grande habilité pour dissimuler leurs montages financiers, raison pour laquelle nous exigeons la plus grande transparence.

La patientèle n’est pas un pool de client.e.s à qui des soins doivent être vendus, dans une logique consumériste (à grand renforts de publicité) et en instillant la peur ou la culpabilité (« 60% des enfants agés de 9 à 12 ans auraient besoin d’orthodontie » peut-on lire sur un post instagram de la chaîne : même si l’énoncé peut être vrai, l’intention sous-jacente n’est-elle pas de pousser à la consommation ?). La santé n’est pas un marché, ou tout du moins (pour qui le pense) ne devrait pas être un marché comme un autre. Si le secteur dentaire constitue une sentinelle de l’état du système de santé, La Dent Bleue, première et unique association créée par et pour la patientèle du dentaire, poursuivra sans relâche son rôle de lanceur d’alerte. Nous apportons tout notre soutien aux victimes de BLOOMSQUARE qui, en venant de se fédérer au sein d’un Collectif, démontrent une fois de plus la nécessaire et irréversible encapacitation de la patientèle du secteur dentaire.

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com

Déconventionnement par l’Assurance-Maladie de deux centres de santé frauduleux : la bonne nouvelle ne doit pas éluder les problèmes de fond et le sort de la patientèle !

L’Assurance Maladie se félicite d’avoir déconventionné deux centres de santé soupçonnés de fraude, le premier en Seine-Saint-Denis (Blanc-Mesnil) et le second dans les Yvelines (Trappes). L’association La Dent Bleue, qui représente la voix des usagers du dentaire, se félicite que de tels contrôles aient pu être menés et se soient soldés par des sanctions. Ces déconventionnements nous font néanmoins nous poser deux questions : comment a-t-on pu en arriver à de telles dérives et que vont devenir les patient.e.s qui étaient suivis dans ces centres ?

Montpellier, le 24 janvier 2023

L’Assurance-Maladie a annoncé avoir déconventionné pour une durée de cinq ans (sans sursis) deux centres de santé situés en Île-de-France, pour des pratiques frauduleuses (notamment la facturation d’actes fictifs et d’autres facturations qualifiées « d’atypiques », dont on ne connait pour l’instant pas les contours exacts). Au total, 88 centres de santé dentaire seraient dans le viseur de la Sécurité Sociale.

Il convient de se réjouir du fait que l’Assurance-Maladie se soit enfin emparée du sujet du contrôle des centres de santé qui pullulent ces dernières années sur notre territoire. Si certains exercent leur activité en phase avec de réels besoins médico-sociaux (conformément à l’esprit initial de la Loi Bachelot), d’autres n’opèrent qu’à la recherche de profit, au détriment d’une part de la patientèle et d’autre part de la collectivité dans son ensemble.

 

 

L’une des premières questions venant à l’esprit se rapporte à la possibilité même de frauder : quelles lacunes législatives et administratives les centres de santé déviants peuvent-ils bien exploiter pour « frauder le système » à hauteur, pour l’un des deux centres sanctionnés, de 1.5 millions d’euros ? Comment en est-on arrivé là ?

Il n’existe sans doute pas de réponse unique. Parmi les éléments qui peuvent être invoqués, on trouve le péché originel des centres de santé dentaire (associatifs « à but non-lucratif ») : en l’absence de garde-fous adéquats et de contrôles suffisamment fréquents et pertinents, le caractère lucratif de l’activité devient synonyme de « marché juteux » pour les individus les moins scrupuleux.

La Dent Bleue n’est pas non plus sans savoir que de nombreux praticiens se plaignent de longue date que de nombreux actes sont impécunieux. Dès lors, il n’est pas étonnant que des cabinets et d’autres structures de santé dentaire cherchent, dans certains cas, à se rattraper via la pose d’implants et de prothèses (qui rapportent davantage), ou par la facturation d’actes non-réalisés, pour compenser une situation ressentie comme injuste, anormale ou suboptimale.

Par ailleurs, la nomenclature des actes dentaires, ainsi que la liste des actes hors nomenclature, sont devenues si foisonnantes que l’usager lambda ne saurait s’y retrouver, ni même clairement identifier les actes qu’il aura reçu…ou pas. Malgré l’établissement de devis, trop souvent, les patient.e.s ne connaissent pas précisément la nature des travaux qui leur sont faits en bouche; de fait, la patientèle n’est pas toujours en mesure de donner son consentement “éclairé” et encore moins d’apprécier la véracité des facturations. On peut raisonnablement inférer que la carte Vitale, le tiers payant, l’absence de contrôle en amont du paiement au professionnel de santé et le manque d’informations à destination des usagers n’arrangent rien à l’opacité de ce qui est facturé, tout en facilitant fraudes, déclarations trompeuses et dissimulations.

Notre pays est en chemin pour compter bientôt près de 2000 centres dentaires « loi 1901 ». Compte tenu de ce qui vient d’être énoncé :

  • Comment être certain que les 88 centres de santé dentaire actuellement dans le viseur de l’Assurance-Maladie ne représentent pas la face émergée d’un iceberg beaucoup plus grand ?
  • La Sécurité Sociale a-t-elle vraiment pris la mesure des dérives potentiellement à l’œuvre dans le secteur des centres dentaires associatifs ? (en réalité dans le secteur dentaire dans son ensemble puisque certains cabinets libéraux d’exercice traditionnel peuvent aussi frauder)
  • De nouveaux postes d’inspecteurs-trices vont-ils être ouverts dans les mois à venir pour contrôler ces nouveaux acteurs du « marché des soins dentaires », devenus omniprésents ? (le nombre ridiculement bas d’équivalents temps plein dédiés aux tâches de surveillance et de contrôles n’est pas pour nous rassurer)
  • Comme l’a exposé avec brio un récent numéro de l’émission Cash Investigation spécialement consacré au sujet, comment estimer l’ampleur réelle de la fraude à la Sécu ? (dont les deux tiers, rappelons-le, sont imputables à des professionnels de santé).

 

Le second point sur lequel s’interroger a trait au devenir de la patientèle des centres déconventionnés. Bien qu’une sanction aussi sévère qu’un déconventionnement n’implique pas d’interdiction formelle d’exercer, ses conséquences ne sont probablement pas très éloignées d’une décision de fermeture administrative. Les remboursements quasi-nuls de l’Assurance-Maladie auront vraisemblablement pour effet de vider le centre de santé de sa patientèle. Dès lors, la Dent Bleue s’inquiète du sort réservé aux patient.e.s en soins dans les centres fautifs : si le communiqué publié par l’Assurance-Maladie dissuade bien la patientèle de prendre de nouveaux rendez-vous, il n’apporte aucun éclairage quant à la continuité des soins. Faut-il comprendre que les usagers seront laissés sans solution quant à la poursuite de leur plan de traitement ?

L’Assurance-Maladie doit déconventionner, sanctionner et faire rembourser les centres de santé fraudeurs, mais elle a aussi le devoir de se préoccuper du suivi clinique et administratif des patient.e.s.

Outre la régulation du système de santé français, cette organisation a également pour mission de garantir l’accès aux soins, ce qui suppose d’en éviter toute rupture.

 

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com

Affaire Guedj : encore un exemple retentissant d’échec dans la relation soignant-soigné

Il aura fallu plus de dix ans pour que s’ouvre enfin le procès des dentistes Guedj père & fils, poursuivis pour avoir sacagé à grand frais (et contre espèces sonnantes et trébuchantes) les bouches de plusieurs centaines de patient.e.s à Marseille. La Dent Bleue se réjouit de la tenue de ce procès important pour les victimes et s’interroge sur les leçons qui peuvent en être tirées, notamment au plan sociologique.

Montpellier, le 27 février 2022

Lionel Guedj et son père Carnot Guedj, tous les deux dentistes de leur état, sont poursuivis entre autres pour « violences volontaires ayant entrainé une mutilation ou une infirmité permanente », « escroquerie » et « faux en écriture privée », à la suite de faits qui se sont étalés jusqu’en 2012. Les deux chirurgiens-dentistes auraient dévitalisés des dents sans raison médicale, posé des couronnes sans essayage préalable, falsifié des dossiers médicaux et conduits des soins à la va-vite dans le but d’encaisser des sommes (mirobolantes, à en juger par leur train de vie) non seulement de la part de la patientèle mais aussi de l’assurance-maladie, organisme devenu aujourd’hui l’un des principaux « bailleurs de fond » des escrocs de la santé.

 

 

Alors que le procès Guedj débute, que faut-il en attendre ?

D’abord, que justice soit rendue. Comme nous l’écrivions au sujet du procès Dentexia (voir notre précédent communiqué), tout procès pénal vise à prendre en compte le préjudice subi par la victime, mais sert aussi à faire en sorte que son statut soit reconnu. Cette reconnaissance est la condition sine qua non pour que la victime soit restaurée dans sa dignité et puisse, enfin, commencer à sortir de sa situation de victime. Bien souvent, les victimes ayant déposé plainte et s’étant constituées parties civiles ne le font pas pour glaner indemnisations et autres dommages et intérêts, mais pour être « lavées » du fort sentiment d’humiliation (et de violence psychologique) qui a accompagné leur « parcours de soins » (entâché quant à lui de violences physiques) et pour en finir avec le sentiment d’impunité dont jouissent leurs bourreaux. Ces motivations sont partagées par les victimes des récents scandales dentaires de masse Dentexia et Proxidentaire. La Dent Bleue espère que les instructions judiciaires en cours en lien avec ces deux scandales pourront bénéficier d’un coup d’accélérateur et de projecteur suite à la tenue du procès Guedj, parce que le silence et l’invisibilisation font toujours le jeu des maltraitants, jamais des maltraités. En parallèle, notre association ne masque pas son inquiétude, notamment face à l’injustice des barèmes appliqués suite aux expertises médico-judiciaires dans le secteur de la dentisterie et qui minorent systématiquement le préjudice des victimes, réduisant leurs chances d’indemnisation et de réhabilitation à la fois au plan de leur intégrité physique que dans leur dignité.

Deuxième point, la lenteur des procédures ne doit pas éluder le fait que le retour aux soins est souvent trop tardif pour les victimes. Que sont devenues les victimes de l’affaire Guedj après la décennie qui vient de s’écouler ? Ont-elles toutes été soignées ? La problématique dentaire a cela de particulier qu’un.e patient.e ne peut pas être laissé.e « au milieu du gué » dans son parcours de soins, sauf à risquer une aggravation de son état de santé et de ses souffrances. Or, pour les victimes déplumées – au plan financier – par un cabinet ou un centre dentaire et qui ont laissé des plumes – au plan sanitaire – , l’onde de choc est particulièrement tenace. La Dent Bleue souhaiterait qu’une étude rétrospective soit conduite pour déterminer quelles victimes ont pu finaliser leurs soins avec succès et tourner la page et quelles autres restent engluées, plus de dix ans après les faits, dans des déboires dentaires, mais aussi potentiellement financiers, familiaux, psychologiques en lien avec les mauvais traitements subis de la part des dentistes Guedj. Une telle grille de lecture pourra par la suite être cooptée afin de nourrir un référentiel commun applicable à l’ensemble des victimes du secteur dentaire, pas seulement des centres dentaires « low-cost » mais tous établissements confondus.

Troisièmement, l’affaire Guedj fournit l’occasion de s’intéresser à la manière dont la division soignant-soigné illustre des rapports de pouvoir pouvant déboucher sur un échec de la relation thérapeutique, avec en toile de fond l’influence d’autres variables, telles que le statut socio-économique, pour l’instant largement ignorées par les analystes et les commentateurs.

Dans le cas de l’affaire Guedj, les témoignages disponibles font état de menaces (du type « il faut tout refaire sinon vos dents vont tomber ») et de fausses promesses (qui ont fait la triste renommée du « sourire Guedj », à savoir une bouche défaite) entendues par les victimes de la part des praticiens. Autant d’injonctions suivies par la patientèle de part la position généralement dominante du soignant, dépositaire d’un savoir-faire médical et technique qu’il peut exercer avec autorité, devant une personne en souffrance, infantilisée, perdue face au jargon et aux équipements du cabinet, contrainte de dévoiler sa sphère intime (orale et mentale) et finalement dépossédée de tout esprit critique (du grec kritikos, « capable de discernement »). Dans ces conditions, on comprend que le modèle du partenariat entre les chirugiens-dentistes et les malades prenne régulièrement du plomb dans l’aile, et avec lui l’alliance thérapeutique et la relation de confiance (y compris au niveau pécuniaire) qu’il s’agirait idéalement de pouvoir nouer à l’occasion de la trajectoire de soins dentaires.

Les scandales Dentexia et Proxidentaire ont en outre démontré que ce système « patriarcal » et binaire (indépendant du genre du/de la dentiste bien entendu) se double fréquemment d’une autre dichotomie : entre cette fois-ci le/la patient.e devenu.e client.e et le centre dentaire devenu pourvoyeur de prestations de service – ou le praticien devenu marchand assumé ou déguisé, comme dans le cas des dentistes Guedj. Dans leur très grande majorité, leurs victimes étaient des gens modestes, qui résidaient à l’époque dans les quartiers Nord de Marseille, rappellant (comme le formule Olivier Cyran, auteur de « Sur les dents : ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale », Ed. La Découverte, 2021) que les dents sont par nature un organe « intersectionnel », situé à la croisée de nombreux rapports de domination à l’œuvre dans notre société (entre soignant et soigné, entre un secteur dentaire mercantile et des patient.es devenus consommateurs.trices de soins) et révélateurs d’inégalités sociales en matière d’accès aux soins.

Plutôt que de se focaliser exclusivement sur le volet « sensationnaliste » des scandales dentaires, il nous semble impératif, face à la persistance tant des inégalités que des déviances, d’intégrer le statut économique et l’origine sociologique des victimes en tant que catégories d’analyse. Ce faisant, la façon dont ces variables affectent dans la durée non seulement le porte-monnaie mais aussi les corps de tel ou tel groupe de patient.e.s seront mieux appréhendées et des solutions pourront commencer à être trouvées pour diminuer les risques encourus par la patientèle dans son ensemble. Il ne suffit pas de prendre acte des scandales les uns après les autres et continuer le business as usual au niveau sectoriel et politique. Il s’agit de remettre en question en profondeur les paradigmes qui produisent du « péril sanitaire et financier », pour éviter la survenue des scandales et de toutes les situations dans lesquelles la patientèle est réifiée. Les futures victimes étant à chaque fois considérées comme des objets de soins plutôt que des sujets de soins que ce soit par des dentistes peu scrupuleux ou par un système de santé à la vision parfois trop court-termiste et aux corpus législatif et réglementaire bancales.

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour le Collectif contre Dentexia & La Dent Bleue, première association française créée par et pour la patientèle du dentaire | associationladentbleue@gmail.com

 

Secrets d'info sur France Inter

 

France Inter a diffusé une enquête exceptionnelle sur le low-cost dentaire dans l’émission Secrets d’Info samedi 2 octobre 2021 entre 13h20 et 14h, à retrouver en podcast sur le site de la radio.

Il s’agit d’un format long (sans doute le plus long jamais réalisé à la radio sur le thème du dentaire)  préparé par la journaliste Laetitia Cherel de la Cellule Investigation de Radio France. Cette enquête très fouillée, au ton juste, fait la part belle aux témoignages de victimes (de Dentexia et de Proxidentaire), tout en adoptant une vision surplombante sur les défaillances de Loi Bachelot. D’autres protagonistes ont également été interviewé.e.s (spécialistes, M. Le Ministre de la Santé Olivier Véran, notre association La Dent Bleue).

Nous espérons que ce reportage contribuera, avec tous les autres dans lesquels nous avons été impliqués d’une manière ou d’une autre depuis 2016, à faire bouger les lignes.

Nos remerciements les plus chaleureux aux victimes qui continuent à témoigner même plus de cinq ans après la liquidation de Dentexia. Et un mot de soutien aux nouvelles victimes, telles que celles de Proxidentaire. Nous espérons que ces victimes trouveront une issue positive à leurs déboires.

N’oubliez pas de signer notre pétition pour faire réviser la loi Bachelot (il faut se connecter mais ensuite tout le processus est anonyme). A diffuser sans modération.

Solidairement,

La Dent Bleue

 

Arrêt chambre instruction procès Dentexia

 

 

Dans son arrêt du 14 septembre 2021, la Cour d’Appel de Paris rejette la requête en nullité déposée par le fondateur des centres dentaires associatifs « low-cost » DENTEXIA, qui ont fait plusieurs milliers de victimes entre 2012 et 2016. Si ces dernières se réjouissent de cette décision de justice, elles n’en demeurent pas moins inquiètes des lenteurs de la réponse pénale.

Un arrêt vient d’être prononcé par la Cour d’appel de Paris dans le cadre de l’instruction en cours sur l’affaire Dentexia. Vous avez été un certain nombre à nous contacter pour avoir des informations sur son contenu et les suites à donner au courrier (accompagné d’un CD-ROM) qui a été envoyé aux plaignant.e.s.

L’arrêt débute par la longue liste des plaignants (plus de 70 pages !) qui se sont constitués parties civiles, montrant la détermination et l’engagement des victimes pour que justice soit rendue. Ensuite, les faits reprochés à Pascal Steichen et aux autres personnes mises en examen sont listés, avec moult détails. Il est instructif de parcourir cette section, notamment pour se faire une idée de la manière dont Pascal Steichen et consorts organisent leur défense (ou leurs défenses respectives, pour être plus exact).

On rappellera les chefs d’accusation concernés : pratique commerciale trompeuse et tromperie aggravée ; blanchiment en bande organisée ; banqueroute ; abus de confiance ; abus de biens sociaux ; fraude fiscale ; escroquerie en bande organisée ; complicité de violences volontaires ayant entraîné une mutilation et/ou une infirmité permanente.

La Cour met en avant la mission « d’intérêt général » exercée par le « Collectif contre Dentexia », que nous avions fondé en 2016 et qui a permis aux victimes de se structurer et d’agir collectivement (encore aujourd’hui) pour faire face, s’entraider et interagir avec les nombreuses parties en présence.

Au niveau des conclusions, on apprend que la chambre de l’instruction a rejeté la demande de nullité présentée par Pascal Steichen, qui s’était plaint de « l’impartialité » supposée de l’un des experts (le Pr. MISSIKA) agréé près des tribunaux et mandaté pour examiner certaines des victimes de Dentexia dans le cadre de la procédure pénale (audience du 18 mai 2021). Cette manœuvre constituait à l’évidence une tentative de « pourrissement » pour rallonger la durée de l’instruction et discréditer le traitement de l’affaire au plan médico-judiciaire. Le courrier reçu cette semaine indique que Pascal Steichen a été débouté de sa demande par la Cour. Il n’a donc pas obtenu gain de cause, c’est une bonne nouvelle pour l’ensemble des plaignant.e.s !

Pascal Steichen et ses avocats vont sans doute se pourvoir en cassation pour contester cette décision de justice et tenter de gagner du temps, comme d’habitude (même si le pourvoi en cassation ne suspend pas forcément le déroulé de l’instruction). En tout état de cause, les victimes prennent acte de cette décision de justice, tout en ne cachant pas leur désarroi face aux lenteurs de la réponse pénale (cinq années nous séparant aujourd’hui de la liquidation de l’enseigne DENTEXIA).

Les plaignant.e.s n’ont rien à faire sinon à prendre acte du document. Inutile à ce stade de répondre ou de se rendre à Paris.

Solidairement,

La Dent Bleue

 

Manifestation en soutien aux victimes de la chaine dentaire “low-cost” Proxidentaire.

RDV samedi 25 septembre 2021 à 10h devant le centre dentaire Proxidentaire à Chevigny Saint-Sauveur.

Venez nombreux.ses!

Solidairement,

La Dent Bleue

Silence allows violenceChères, chers usagers, patient.e.s, victimes du secteur dentaire,

Vous êtes un certain nombre à nous laisser des messages ou à nous appeler pour nous faire part de votre désarroi, de votre sidération, de votre colère, et le plus souvent de votre tristesse mêlée à un sentiment d’injustice en cas de mauvais traitements ou de litige avec un cabinet dentaire ou un praticien. Nous faisons le constat que la parole des victimes est confisquée, puisqu’il n’existe aucun canal structuré permettant de recueillir et d’analyser leurs témoignages, ces derniers tombant dans la boîte noire des conseils ordinaux de chirurgiens-dentistes ou des Agences Régionales de Santé. Or, il existe un réel besoin de compiler, d’archiver et d’interpréter les doléances de la patientèle du dentaire, non seulement pour dénoncer les mauvaises pratiques, mais aussi pour être force de proposition face aux professionnels, aux autorités, aux pouvoirs publics et aux tutelles de santé.

C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui notre appel à témoignages : notre boîte mail vous est ouverte (associationladentbleue@gmail.com), sans date limite de réception, sans contrainte de format ou de taille pour vos textes, l’objectif étant de vous laisser vous exprimer librement.

Si vous désirez que votre message soit anonyme et le reste, merci de nous l’indiquer, nous le traiterons comme tel. Dans tous les cas, nous vous remercions pour vos mots, éventuellement vos photos. Nous mettrons tout en œuvre pour que ces éléments puissent être utiles, en venant nourrir la réflexion collective, en pointant les chausse-trappes pour mieux les éviter, en dégageant des points communs dans les trajectoires individuelles, en essayant de comprendre l’origine des maux pour identifier des solutions.

Cette initiative est fidèle à notre mot d’ordre: par et pour les patient.e.s.

Solidairement,

La Dent Bleue

La rage intacte des victimes

Chères toutes et tous,

Ce billet n’a pas vocation à être une recension du livre incroyable de notre ami Olivier Cyran, auteur de “Sur les dents. Ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale“, ou un résumé des lignes poignantes publiées ce jour dans L’Humanité sous la plume du fidèle Alexandre Fache. D’excellentes recensions du livre en question ont été rédigées qui sauront vous donner envie d’en feuilleter les pages, et les lecteurs.trices intéressées sauront où trouver le journal L’Humanité pour lire les articles consacrés au scandale Dentexia.

Ce billet cherche plutôt à attirer l’attention sur le fait suivant: à l’heure où les réseaux sociaux accaparent notre “temps de cerveau humain disponible” (selon l’expression consacrée en 2004 par Patrick Le Lay, ex-patron de TF1), il existe encore des journalistes, des médias, qui réalisent sérieusement ce travail titanesque de recherche, de compilation et de recoupements des informations et des témoignages avant de les présenter à une audience – souvent dans un style demandant lui-même du talent et/ou des années de pratique. Les dispositifs de commotion (internet, smartphones, séries,…) étant devenus omniprésents, les actualités succédant aux actualités à un rythme effréné, la pression du chiffre s’exerçant à toutes les strates, il n’est pas donné que ce type de travail et ce type de journalistes puissent tout simplement exister.

En tant que victimes, en tant que patients dont la parole est d’ordinaire muette, nous leur devons une fière chandelle.

MERCI donc à Olivier Cyran, à Alexandre Fache, dont les noms ne doivent pas masquer ceux de tout.e.s les autres, de Guillaume Lamy à Alice Gauvin, de Sylvie Montaron à Yan Di Meglio, la liste est longue et nous préférerons l’arrêter là, pour ne pas nous risquer à l’oubli. Ce dernier terme tombe à point nommé car c’est bien aussi de cela qu’il s’agit: ne pas sombrer dans l’oubli. Les productions de ces auteurs, jaillissant dans le présent, sont avant tout une tentative d’inscrire les évènements dans L’Histoire, de fabriquer des instantanés qui soient des portraits aussi fidèles que possibles d’une époque, mariant la monstration (le fait de montrer ce qui se présente) à l’analyse (le fait d’étudier ce qui se présente). L’affaire Dentexia implique les deux aspects: rendre audible / visible ce que les victimes ont à dire, par rapport à ce qu’elles ont vécu, et examiner les causes et les effets, comprendre ce qui s’est réellement produit et tenter d’infléchir le cours des choses pour éviter la survenue d’autres scandales.

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour Le Collectif contre Dentexia et La Dent Bleue

 

Sur les dents d'Olivier Cyran

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