Informations relatives à la notification d’arrêt du 14 sept. 2021 (Cour d’appel de Paris)

 

Arrêt chambre instruction procès Dentexia

 

 

Dans son arrêt du 14 septembre 2021, la Cour d’Appel de Paris rejette la requête en nullité déposée par le fondateur des centres dentaires associatifs « low-cost » DENTEXIA, qui ont fait plusieurs milliers de victimes entre 2012 et 2016. Si ces dernières se réjouissent de cette décision de justice, elles n’en demeurent pas moins inquiètes des lenteurs de la réponse pénale.

Un arrêt vient d’être prononcé par la Cour d’appel de Paris dans le cadre de l’instruction en cours sur l’affaire Dentexia. Vous avez été un certain nombre à nous contacter pour avoir des informations sur son contenu et les suites à donner au courrier (accompagné d’un CD-ROM) qui a été envoyé aux plaignant.e.s.

L’arrêt débute par la longue liste des plaignants (plus de 70 pages !) qui se sont constitués parties civiles, montrant la détermination et l’engagement des victimes pour que justice soit rendue. Ensuite, les faits reprochés à Pascal Steichen et aux autres personnes mises en examen sont listés, avec moult détails. Il est instructif de parcourir cette section, notamment pour se faire une idée de la manière dont Pascal Steichen et consorts organisent leur défense (ou leurs défenses respectives, pour être plus exact).

On rappellera les chefs d’accusation concernés : pratique commerciale trompeuse et tromperie aggravée ; blanchiment en bande organisée ; banqueroute ; abus de confiance ; abus de biens sociaux ; fraude fiscale ; escroquerie en bande organisée ; complicité de violences volontaires ayant entraîné une mutilation et/ou une infirmité permanente.

La Cour met en avant la mission « d’intérêt général » exercée par le « Collectif contre Dentexia », que nous avions fondé en 2016 et qui a permis aux victimes de se structurer et d’agir collectivement (encore aujourd’hui) pour faire face, s’entraider et interagir avec les nombreuses parties en présence.

Au niveau des conclusions, on apprend que la chambre de l’instruction a rejeté la demande de nullité présentée par Pascal Steichen, qui s’était plaint de « l’impartialité » supposée de l’un des experts (le Pr. MISSIKA) agréé près des tribunaux et mandaté pour examiner certaines des victimes de Dentexia dans le cadre de la procédure pénale (audience du 18 mai 2021). Cette manœuvre constituait à l’évidence une tentative de « pourrissement » pour rallonger la durée de l’instruction et discréditer le traitement de l’affaire au plan médico-judiciaire. Le courrier reçu cette semaine indique que Pascal Steichen a été débouté de sa demande par la Cour. Il n’a donc pas obtenu gain de cause, c’est une bonne nouvelle pour l’ensemble des plaignant.e.s !

Pascal Steichen et ses avocats vont sans doute se pourvoir en cassation pour contester cette décision de justice et tenter de gagner du temps, comme d’habitude (même si le pourvoi en cassation ne suspend pas forcément le déroulé de l’instruction). En tout état de cause, les victimes prennent acte de cette décision de justice, tout en ne cachant pas leur désarroi face aux lenteurs de la réponse pénale (cinq années nous séparant aujourd’hui de la liquidation de l’enseigne DENTEXIA).

Les plaignant.e.s n’ont rien à faire sinon à prendre acte du document. Inutile à ce stade de répondre ou de se rendre à Paris.

Solidairement,

La Dent Bleue

La rage intacte des victimes

Chères toutes et tous,

Ce billet n’a pas vocation à être une recension du livre incroyable de notre ami Olivier Cyran, auteur de “Sur les dents. Ce qu’elles disent de nous et de la guerre sociale“, ou un résumé des lignes poignantes publiées ce jour dans L’Humanité sous la plume du fidèle Alexandre Fache. D’excellentes recensions du livre en question ont été rédigées qui sauront vous donner envie d’en feuilleter les pages, et les lecteurs.trices intéressées sauront où trouver le journal L’Humanité pour lire les articles consacrés au scandale Dentexia.

Ce billet cherche plutôt à attirer l’attention sur le fait suivant: à l’heure où les réseaux sociaux accaparent notre “temps de cerveau humain disponible” (selon l’expression consacrée en 2004 par Patrick Le Lay, ex-patron de TF1), il existe encore des journalistes, des médias, qui réalisent sérieusement ce travail titanesque de recherche, de compilation et de recoupements des informations et des témoignages avant de les présenter à une audience – souvent dans un style demandant lui-même du talent et/ou des années de pratique. Les dispositifs de commotion (internet, smartphones, séries,…) étant devenus omniprésents, les actualités succédant aux actualités à un rythme effréné, la pression du chiffre s’exerçant à toutes les strates, il n’est pas donné que ce type de travail et ce type de journalistes puissent tout simplement exister.

En tant que victimes, en tant que patients dont la parole est d’ordinaire muette, nous leur devons une fière chandelle.

MERCI donc à Olivier Cyran, à Alexandre Fache, dont les noms ne doivent pas masquer ceux de tout.e.s les autres, de Guillaume Lamy à Alice Gauvin, de Sylvie Montaron à Yan Di Meglio, la liste est longue et nous préférerons l’arrêter là, pour ne pas nous risquer à l’oubli. Ce dernier terme tombe à point nommé car c’est bien aussi de cela qu’il s’agit: ne pas sombrer dans l’oubli. Les productions de ces auteurs, jaillissant dans le présent, sont avant tout une tentative d’inscrire les évènements dans L’Histoire, de fabriquer des instantanés qui soient des portraits aussi fidèles que possibles d’une époque, mariant la monstration (le fait de montrer ce qui se présente) à l’analyse (le fait d’étudier ce qui se présente). L’affaire Dentexia implique les deux aspects: rendre audible / visible ce que les victimes ont à dire, par rapport à ce qu’elles ont vécu, et examiner les causes et les effets, comprendre ce qui s’est réellement produit et tenter d’infléchir le cours des choses pour éviter la survenue d’autres scandales.

Solidairement,

Abdel Aouacheria

Pour Le Collectif contre Dentexia et La Dent Bleue

 

Sur les dents d'Olivier Cyran

Nous fêtons ce mois-ci le triste anniversaire des 5 ans de la liquidation des centres dentaires « low-cost » Dentexia, qui ont escroqué et mutilé des milliers de patients entre 2012 et 2016. Alors que plus de 1000 plaintes ont été déposées auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris, les victimes s’inquiètent de la lenteur de la justice. Elles ne désespèrent toutefois pas de voir aboutir l’instruction judiciaire, condition sine qua non pour être réhabilitées dans leur dignité et tourner la page.

En 2016, nous fondions en France le « Collectif contre Dentexia », un groupe de patients ayant vu le jour suite à la liquidation de la chaîne de centres dentaires à bas coût Dentexia, et qui a fédéré plus de 3000 victimes. Nos objectifs : nous battre pour que les patients ruinés et délaissés puissent être soignés grâce à une aide exceptionnelle du Ministère de la Santé et poursuivre en justice les responsables de cette chaîne associative de centres dentaires (au premier chef desquels son Président, Pascal Steichen). Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Près de 1000 demandes d’assistance ont été soumises par les victimes de Dentexia au Fonds National d’Action Sanitaire et Sociale (FNASS) de l’assurance-maladie, sur décision du Ministère de la Santé (alors dirigé par Marisol Touraine, après que sa prédécesseur Roselyne Bachelot avait autorisé la création des centres dentaires associatifs type loi 1901). Bien que les autorités n’aient pas été en mesure de nous communiquer un bilan chiffré, nous estimons qu’une moitié environ seulement des dossiers aurait reçu une réponse favorable ou adaptée. Les victimes qui ont pu recourir à ce dispositif n’ont pas touché d’indemnisation, mais ont été (le plus souvent partiellement) remboursées des dépenses de soins engendrées par leur passage par la case Dentexia. Même si des cas ponctuels d’ostracisation à l’encontre de l’ancienne « clientèle » du low-cost sont à déplorer, de nombreux dentistes ont accepté de reprendre des victimes de Dentexia, et nous tenons à les en remercier.

Cependant, la réalité cachée derrière ce bilan en demi-teinte demeure extrêmement préoccupante ; les situations individuelles étant contrastées. Cinq ans après le scandale, notre Collectif continue ainsi de recevoir régulièrement des messages d’ex-patients Dentexia souffrant de problèmes non-solutionnés, ou déclarés après la date limite des dépôts de demande d’aide (2017). Il ne faut pas que ces cas en suspens soient invisibilisés. Ces victimes sont au désespoir, désabusées, perdues, déprimées ou en colère, et nous ne savons pas quoi leur répondre. Si certaines d’entre elles ont dû se résoudre à repayer intégralement des soins qu’elles avaient déjà payés à Dentexia, d’autres n’avaient pas les moyens de le faire et ont dû faire une croix sur leurs soins, faute de liquidités. De nouveaux problèmes dentaires apparaissent, couplés à d’autres problèmes de santé (notamment au plan psychologique), entraînant des coûts supplémentaires pour cette patientèle déjà abimée, et pour la collectivité en général. Nous vivons avec ce sentiment partagé d’avoir une épée de Damoclès au-dessus des dents, attendant le jour incertain où nos implants lâcheront, où nos prothèses se briseront, où il faudra accepter de devoir se rassoir au fauteuil pour poursuivre ou reprendre des soins douloureux. D’autres victimes continuent, à l’heure qu’il est, de rembourser des crédits pour des soins jamais reçus, et d’autres encore qui pensaient récupérer leurs deniers versés à Dentexia ont déchanté : les créances déclarées auprès du mandataire-liquidateur ont à notre connaissance été annulées, le passif abyssal de l’association (plus de 20 millions d’euros !) ne permettant pas d’apurer les dettes. Quelques victimes ont pu faire jouer l’assurance de Dentexia, pour une compensation symbolique, puisque le contrat de garantie souscrit par la chaîne de centres dentaires excluait quasiment l’intégralité des sinistres…dont peuvent faire l’objet les patients du dentaire.

L’onde de choc de ce désastre sanitaire, qui est aussi financier, bancaire, assurantiel, législatif et juridique, est donc tenace ! Et nous craignons, désormais, que ce désastre devienne également judiciaire.

Nous avons bien compris que nos chances d’être un jour dédommagés sont minces, voire nulles, d’une part parce qu’il n’y a plus rien à glaner du côté des caisses de feu Dentexia, et d’autre part parce que les barèmes appliqués suite aux expertises médicales déclassent systématiquement le préjudice des victimes de la dentisterie, oblitérant toute possibilité d’indemnisation. Ce n’est donc pas le point central de notre démarche et, en réalité, ça ne l’a jamais été. La justice française doit faire son travail car, pour une majorité de victimes, il est difficile, voire impossible, de traiter les blessures, qui ne sont pas seulement physiques, mais surtout d’ordre psychologique. Avant que d’avoir été escroqués, maltraités, mutilés et abandonnés à notre sort, nous avons été pris pour des porte-monnaie sur pieds, dans la bouche desquels il fallait déposer des implants et des prothèses, à la va-vite, pour satisfaire des objectifs de rentabilité. Par-là, nous voulons signifier que nous avons été dégradés en objets, réifiés au lieu d’être considérés comme des sujets de soins. En conséquence, nous exigeons que justice soit rendue. Tout procès pénal vise à prendre en compte le préjudice subi par la victime, mais sert aussi à faire en sorte que son statut soit reconnu. Cette reconnaissance est la condition sine qua non pour que la victime soit restaurée dans sa dignité et puisse, enfin, sortir de sa situation de victime.

Pour cette raison, et pour toutes celles que nous avions précédemment énoncées en tant que Collectif contre Dentexia, nous avons décidé de fonder La Dent Bleue : la première association française indépendante des usagers du dentaire, fondée par des patients, pour les patients. Avec d’autres bonnes volontés, nous prendrons toutes les mesures pour instituer la centralité du patient dans la sphère médico-dentaire, infléchir les politiques publiques dans son intérêt plutôt que dans celui de telle ou telle corporation, empêcher – ou à défaut faire sanctionner – le développement des pratiques coupables et délictueuses et les nouvelles déflagrations qui pourraient, chacune et chacun, nous toucher.

Abdel Aouacheria, fondateur du Collectif contre Dentexia  | aouacheria.abdel@gmail.com

Christine Teilhol, Présidente de l’association La Dent Bleue | christineteilhol@hotmail.fr

 

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