Un désaccord ou un litige peut survenir entre un patient* et un chirurgien-dentiste ou un centre de santé dentaire. Cet article fournit une boussole générale permettant d’arpenter les différentes pistes de résolution de conflit.
* dans nos productions, les termes de patient, praticien, soignant, etc. s’appliquent par défaut de manière non-genrée.
L’entrevue
En tant que patient, la première étape pour tenter de résoudre un différend consiste à prendre rendez-vous avec le praticien (ou ses équipes) pour tout mettre à plat en exprimant (avec diplomatie) le(s) problème(s) rencontrés, afin de tenter d’y trouver une solution. Cette phase de conciliation informelle peut aussi être l’occasion pour le patient de remettre au chirurgien-dentiste une lettre de mise en cause, détaillant précisément le contexte et les raisons de son mécontentement. La plupart des chirurgiens-dentistes seront sensibles aux arguments présentés (si ces derniers sont rationnels), et feront leur possible pour trouver un arrangement qui convienne aux deux parties plutôt que d’enclencher d’autres démarches. On notera qu’il est pertinent, à ce stade (ou avant), de demander son dossier médical (voir l’article correspondant).
La conciliation amiable
Si le différend persiste, le patient peut déposer une saisine auprès du Conseil Départemental de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes. Le courrier, envoyé en recommandé avec accusé de réception, reprendra le contenu de la lettre de mise en cause tout en sollicitant l’organisation d’une tentative formelle de conciliation (conformément aux dispositions de la Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients). Cette conciliation amiable est gratuite et peut, là encore, éviter de se lancer dans des procédures souvent longues, coûteuses et pénibles.
Il est recommandé de bien préparer son dossier en vue de la conciliation, en sériant ses arguments et en produisant autant de pièces que nécessaires pour appuyer ses dires (ex : radiographie panoramique montrant l’état antérieur). La conciliation amiable fait intervenir un ou plusieurs membres d’une commission dite de conciliation (mise en place conformément aux dispositions de l’article L. 4123-2 du Code de la santé publique). Leur rôle sera d’écouter les deux parties avant de proposer un règlement à l’amiable, que vous pourrez accepter ou bien refuser. Si la conciliation est un succès, un procès-verbal d’accord sera signé comportant un désistement d’instance et d’action se rapportant au sujet du litige. Si elle échoue, le procès-verbal indiquera qu’il n’a pas été possible d’obtenir l’accord des intéressés.
A noter : il est possible de se faire accompagner ou représenter par un avocat, même si leur aide n’est pas obligatoire à ce stade. Il faut savoir que le conseil vous demandera des honoraires. Si vous bénéficiez d’une garantie protection juridique (adossée par exemple à votre contrat habitation ou en option chez certaines complémentaires santé), cette dernière peut vous fournir des services en cas de litige avec un tiers, comme vous aider à constituer votre dossier, et prendre en charge une partie des frais de procédure (notamment les frais d’avocat). Il ne vous coûtera rien d’ouvrir un dossier de litige, quelle que soit l’issue de la conciliation amiable.
Important : les poursuites ordinales ne permettent pas d’obtenir des « dommages et intérêts », le paiement d’indemnités ou un remboursement. La démarche sert uniquement à (i) travailler le sujet du différend en vue de trouver une porte de sortie ; (ii) faire prononcer le cas échéant une sanction disciplinaire (avertissement, blâme, interdiction d’exercice) à l’encontre du praticien. Les décisions de sanction sont prononcées par une juridiction disciplinaire de première instance, présidée par un magistrat, et sont susceptibles d’appel (de la part du patient ou du praticien) devant la juridiction d’appel du Conseil National puis éventuellement devant le Conseil d’État.
Recours assurantiel
Pour tenter d’obtenir un dédommagement, le patient peut demander au chirurgien-dentiste d’ouvrir un dossier auprès de la compagnie d’assurance couvrant sa Responsabilité Civile Professionnelle (RCP). La compagnie d’assurance pourra statuer sur la base des éléments de preuve de préjudice fournis par le patient ou décidera de mandater un expert chargé d’examiner le patient et d’émettre un rapport. L’assurance formulera des conclusions et proposera (ou non) un montant d’indemnisation au patient, que ce dernier est libre d’accepter ou de contester. Afin de négocier au mieux, le patient peut en parallèle recourir à une expertise indépendante (payante) ou mandatée par sa protection juridique (qui en couvrira les frais). Si aucun accord n’est trouvé, le patient pourra demander la mise en place d’une médiation ou d’un arbitrage. Il est recommandé au patient de se faire assister par un avocat (qui pourra dans certains cas accepter de se rémunérer sur le montant d’indemnisation glané).
Procédure civile
Il s’agit là d’engager la responsabilité civile du professionnel de santé et de tenter d’obtenir gain de cause (et une indemnisation) après avoir démontré que ce dernier a commis une faute ou un manquement aux règles de l’art, c’est-à-dire qu’il est intervenu sans respecter les données acquises de la science à l’une ou l’autre des phases de la prise en charge du patient (diagnostic, mise en œuvre du traitement, intervention chirurgicale, suivi post-opératoire, devoir d’information).
Plusieurs articles du Code de la santé publique (liste non-exhaustive) viennent cadrer cette notion, soit de façon générale : articles L. 1110-5, R. 4127-32 et R. 4127-233, ou plus spécifiquement en fonction des diverses catégories de faute : articles R. 4127-11, R. 4127-33 et R. 4127-71 (diagnostic), article R. 4127-8, alinéa 1, article R. 4127-8, alinéas 2 et 3, articles R. 4127-39, R. 4127-40, R. 4127-238 et R. 4127-312 (traitement), article L. 1111-2 (information).
Si le praticien exerce à titre libéral ou est salarié d’un établissement de santé, l’action en réparation doit être dirigée devant les juridictions civiles. L’action doit être exercée dans un délai de 10 ans à compter de la consolidation du dommage (article L. 1142-28 du Code de la santé publique). Lorsque le praticien est un agent hospitalier (relevant du secteur public), l’action sera dirigée devant le Juge administratif.
La procédure est plus complexe que dans le cas du recours assurantiel et nécessitera dans tous les cas l’aide d’un avocat. Elle débutera généralement par une action en référé expertise destinée à déterminer que le dommage est bien imputable à une faute ou à un manquement du praticien de santé. La décision de mandater une expertise médicale (contradictoire), pour évaluer les différents chefs de préjudice subis par le patient, relève du Juge civil. Si le rapport déposé par l’expert judiciaire lui est favorable, c’est-à-dire qu’il établit la responsabilité du praticien et fixe un préjudice (ou plusieurs), le patient pourra saisir le tribunal judiciaire en vue de faire condamner le praticien. Ce n’est qu’au bout de cette procédure que le patient acquiert légalement le statut de victime.
Procédure pénale
Le patient a la possibilité de déposer une plainte auprès du Tribunal judiciaire (TJ), qui a remplacé depuis 2020 le Tribunal d'instance et le Tribunal de grande instance). L’objectif sera de demander des sanctions pénales à l’encontre du professionnel de santé, s’il y a des raisons de penser que ce dernier a commis une faute de nature à caractériser une infraction (contravention, délit ou crime). L’indemnisation des préjudices pourra être sollicitée par le biais d’une « constitution de partie civile » (qui n’a rien à voir avec la procédure civile : nous restons dans le domaine du pénal).
Le praticien peut être poursuivi pour différents motifs, comme par exemple l’atteinte à la vie et à l’intégrité corporelle (ce sera le cas pour les mutilations), l’exercice illégal, la violation du secret médical ou encore la mise en danger d’autrui. L’évaluation des préjudices est déterminée sur la base d’une expertise médicale. L’absence de dommages corporels n’est pas un frein à la constitution d’une infraction. A l’inverse, toute faute médicale n’est pas une faute pénale.
Une première expertise, privée (ou assurantielle), peut être réalisée à la demande du patient, le plus souvent par le biais de son avocat ou de sa protection juridique. Il est attendu que le rapport détaillé de l’expert, avec l’avis de ce dernier quant à la survenance d’une faute médicale, soit versé au dossier. Sur la base de ce rapport et des autres éléments en sa possession, l’avocat introduit une action contre les différents intervenants qui pourraient engager leur responsabilité : ce peut être le praticien lui-même, mais aussi d’autres membres des équipes médicales, voire le gérant d’un centre de santé dentaire et ses éventuels associés. Un référé expertise est introduit avec désignation d’un expert médical judiciaire. L’assistance d’un avocat est recommandée lors de cette nouvelle expertise médicale (contradictoire). Sur la base du rapport d'expertise judiciaire définitif, celui-ci introduira un recours au fond afin de solliciter l'indemnisation des préjudices nés de la faute médicale.
Le délai de prescription de l’action en responsabilité pénale est de 1 an pour les contraventions, 6 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes (à compter de la consolidation du dommage).
Comme elles nécessitent l’assistance obligatoire d’un avocat, et que les décisions peuvent faire l’objet d’appels et de renvois, les procédures pénales sont longues, coûteuses et éprouvantes au plan psychologique. Comme pour la procédure civile, le statut officiel de victime n’est obtenu qu’une fois la condamnation pénale obtenue.
Voici un résumé des différents types de responsabilités en matière dentaire et des grandes démarches envisageables:
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04 sept. 2024
Par : La Dent Bleue
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